Après plus de dix ans d'étude, le premier grand chantier a été officiellement lancé le 16 juin dernier. Il consiste à réaliser un barrage sur un des cours d'eau qui alimentent la baie : le Couesnon. Ce barrage doit permettre au Couesnon de reconstituer, marée après marée, son estuaire dans la baie sous l'effet des chasses régulées emportant avec elles plusieurs millions de m3 de sédiments. 80% des effets hydrauliques attendus doivent être réalisés dans les dix ans.
Si pour les concepteurs du projet, ce barrage est la pierre angulaire de tout le dispositif, il cristallise les inquiétudes de certains acteurs notamment de l'Union Régionale des Fédérations de Bretagne-Maine-Normandie pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique. Interviewé sur le sujet par Actu-environnement en novembre 2005, Jean-Paul DORON, président de ce groupement reconnaît la nécessité des travaux mais craint que le barrage et le mode de fonctionnement prévu aient des impacts environnementaux significatifs pour la population piscicole du milieu. Le dossier d'étude d'impact présentait de nombreuses insuffisances dans le domaine de la circulation des espèces migratrices, expliquait-il. Selon lui, les installations qui ont été prévues pour le déplacement des espèces migratrices et le minutage des chasses ne sont pas adaptés aux espèces migratrices présentes dans le milieu et à leurs besoins.
Le barrage sera toutefois livré fin 2008, après deux ans et demi de travaux. Aux vues des conséquences désastreuses qu'ont eu les aménagements du siècle dernier et contre lesquels on se bat aujourd'hui, il est compréhensible que ces nouvelles constructions inquiètent. Rappelons qu'une étude impact a été réalisée en amont du projet. Elle a notamment mis en évidence les conséquences néfastes du nouveau barrage sur certaines espèces rares de la Baie comme le pélodyte ponctué, petit crapaud gris tacheté de vert vif. Mis en péril, l'habitat du pélodyte a donc été réaménagé par la création de mares dans des zones non perturbées en 2005.
Ce barrage sera le premier des cinq grands chantiers qui s'échelonneront jusqu'en 2012. La période 2008/2010 sera consacrée à la construction d'un nouveau parc de stationnement, des bâtiments d'accueil et de la navette de transport public. Le parc de stationnement sera situé sur des polders agricoles à 2,5 km du Mont et au sein d'un site paysager qui accueillera des bâtiments d'accueil du public. Une fois construit, il libérera l'espace nécessaire à la réalisation du pont passerelle aujourd'hui occupé par les parkings. La montée en puissance de l'exploitation sera progressive avec la livraison de l'ensemble de la flotte des navettes pour la haute saison 2011. La destruction de la digue route actuelle est prévue en 2012 puisqu'elle sera utile jusqu'au dernier moment pour maintenir l'accès au Mont-Saint-Michel pendant toute la durée des travaux.
Sur le plan financier, le Gouvernement et le Syndicat mixte se sont accordés pour faire aboutir le programme dans des délais raisonnables (2012) et à l'intérieur d'une enveloppe financière fixée à 164 M€. L'Etat apporte une contribution financière de 79.23 M€ (dont 3,80 M€ de l'Agence de l'Eau) et un appui technique et réglementaire. Le Syndicat mixte apporte une contribution financière de 59,62 M€ et assure la maîtrise d'ouvrage de l'ensemble du projet.
Aujourd'hui, la mise en chantier du projet du Mont-Saint-Michel est effective, mais de nouvelles perspectives s'ouvrent déjà. Les partenaires examinent avec intérêt les modalités d'un élargissement de l'accessibilité du Mont au moyen d'un système de transport ferré qui relierait le site à l'international.
Présent au lancement du chantier, le Premier ministre Dominique de Villepin a rappelé que le projet du Mont-Saint-Michel constituait un exemple de la politique de développement durable que nous voulons lancer à l'échelle du pays tout entier. Notre pays possède des paysages exceptionnels qui font la fierté de nos compatriotes. Ce patrimoine naturel, il nous faut le préserver et le valoriser, a-t-il ajouté. Il a d'ailleurs annoncé qu'il débloquait 20 millions d'euros supplémentaires pour la signature, cette année, de nouveaux contrats d'agriculture durable dans les sites Natura 2000, afin de mieux accompagner les agriculteurs qui s'engagent à faire évoluer leurs pratiques pour préserver la biodiversité, a-t-il expliqué.