Déposée au nom du « peuple de Californie » auprès de la cour de justice du district nord de l'État, la plainte met en cause Chrysler, General Motors, Ford, Toyota, Honda et Nissan. Ce procès est le premier à s'attaquer à des fabricants pour les émissions de gaz à effet de serre que l'utilisation de leurs produits provoque. Dans sa plainte, Bill Lockyer explique qu'en vertu du droit fédéral les constructeurs automobiles ont créé une nuisance publique en produisant des millions de véhicules qui émettent collectivement des quantités massives de CO2. Selon la loi, « une nuisance publique » est une action qui interfère ou cause des problèmes à la vie, à la santé ou à la propriété. C'est pourquoi, dans sa plainte, le ministre demande à la cour de juger les constructeurs responsables des dommages actuels et futurs, provoqués par leur contribution à la « nuisance publique » qu'est le réchauffement climatique.
Aux États-Unis, les véhicules émettent 289 millions de tonnes de CO2 tous les ans. Ces émissions représentent actuellement presque 20% des émissions de CO2 du pays et plus de 30% en Californie. Ainsi selon la plainte, les accusés se rangent parmi les plus grands contributeurs au réchauffement climatique et aux impacts défavorables sur la Californie. D'ailleurs, ces impacts sont déjà bien visibles en Californie. Ainsi Bill Lockyer démontre que l'état dépense déjà des millions de dollars pour la planification, la surveillance, et l'adaptation des infrastructures aux conséquences actuelles et futures du réchauffement climatique. La Californie s'est notamment penchée sur les risques d'inondations provoquées par la fonte rapide et massive des neiges de la Sierra Nevada, sur l'érosion des côtes et des plages, sur la contamination des sources d'eau potable par l'eau de mer, sur les risques de feu de forêt mais également sur la pollution à l'ozone. Pour le ministre tout cela à un coût qui risque de s'alourdir dans les prochaines décennies et qui justifie cette plainte.
Si cette action judiciaire peut paraître surprenante et même si elle s'inscrit pleinement dans la logique américaine parfois excessivement procédurière, elle intervient aussi dans un contexte tendu. Rappelons que le gouverneur républicain de Californie, Arnold Schwarzenegger, est en pleine campagne électorale en vue des élections de novembre prochain. Il a voté récemment un accord dans lequel la Californie s'engage à réduire ces émissions de GES de 25% en 30 ans et prévoit la mise en œuvre de limites d'émissions de CO2 pour les véhicules. Les constructeurs tentent par tous les moyens et notamment judiciaires de passer outre ces réglementations. D'autres procédures ont également été lancées à l'encontre du gouvernement Bush et de l'agence américaine de l'environnement (EPA). Selon Bill Lockyer, l'inaction de l'administration Bush sur le réchauffement climatique a forcé la Californie et d'autres états à agir d'eux-mêmes. Autrement dit, qui sème le vent récolte la tempête !!