Treize études réalisées en France et à l'étranger analysant le bilan environnemental de différents agrocarburants ont ainsi été décortiquées afin de comprendre l'origine de la disparité des résultats. Une disparité significative puisque selon les études, le bilan énergétique de l'éthanol peut varier de 0,7 à 5 unités, celui du biodiesel de 1 à 7 et le bilan carbone de 0 à 80 % d'émissions évitées, selon Anthony Benoist, ingénieur au Centre Energétique et Procédés des Mines de Paris.
La méthodologie en question
A la base de la variabilité voire des contradictions de ces résultats se pose des différences méthodologiques. L'analyse de cycle de vie (ACV) est la méthode utilisée dans les 13 études passées au crible. A l'origine, les ACV ont été utilisées pour analyser des systèmes industriels figés. Dans le cas du vivant, l'ACV introduit de l'incertain, d'où la variabilité et les contradictions selon les études, analyse Assaad Zoughaib, chef de projet au centre Energétique et Procédés des Mines de Paris. Cette étude comparative permet de souligner la limite de la méthodologie, dans le sens où celle-ci n'est pas parfaitement adaptée au monde agricole, précise Florence Jacquet, directrice de recherche à l'INRA Versailles-Grignon. Pertinence des données d'entrée, différences dans les méthodes de calcul, notamment au niveau de l'affectation des impacts, sont à la source de la variabilité des résultats.
Autre point relevé par l'analyse : la plupart des études menées aujourd'hui sur les agrocarburants ont pour but d'analyser les émissions de gaz à effet de serre de ces carburants et leur participation à l'indépendance énergétique. De ce fait, les ACV réalisées à l'heure actuelle sur les carburants végétaux se sont généralement restreintes au renseignement de deux types d'indicateurs : les consommations énergétiques et les émissions de gaz à effet de serre des filières, indique le rapport. Faisant l'impasse sur d'autres problématiques essentielles : la nature des sols, leur changement d'affectation ; la préservation de l'eau…
La production d'agrocarburants reposant sur l'exploitation de systèmes vivants, il est pourtant indispensable de prendre en compte ces autres paramètres afin de mieux appréhender les impacts environnementaux de ces carburants végétaux, note l'étude.
Juger au cas par cas : le contexte local privilégié
Derrière un même agrocarburant, il y a des procédés différents. Ce n'est pas le produit qui doit être évalué mais le procédé, explique Florence Jacquet. Et pour évaluer de manière plus fine le bilan environnemental, l'étude du contexte local est nécessaire.
Pour Alain Rousset, président de l'ARF, l'exemple même d'une filière vertueuse est celui de la canne à sucre à la Réunion : l'ensemble de la plante est transformé, sur place, en circuit très court. Peu d'intrants sont utilisés, la pression sur la ressource en eau est limitée. Enfin, cette filière soutient l'économie locale.
Partant d'un tel constat, l'ARF juge l'échelon local pertinent pour décider de la mise en œuvre ou pas d'une politique de soutien aux filières d'agrocarburants. D'ici la fin de l'année, l'association envisage de publier un guide d'aide à la décision à destination des élus régionaux.
L'association entend également communiquer les résultats de cette étude au gouvernement et à l'Union européenne et s'interroge sur le bien-fondé de l'objectif européen de 10 % d'agrocarburants d'ici 2020 : il ne faut pas penser en terme de seuil ou d'objectif quantitatif mais en terme d'objectif qualitatif, conclut Didier Jouve.