Le marché de l'électricité entame sa mue, à l'image de ce qu'a pu connaître le secteur des télécoms il y a quelques années. Dans ce contexte, les producteurs d'électricité d'origine renouvelable se positionnent et tentent de peser sur la discussion du projet de loi de transition énergétique qui va débuter.
Ainsi, France Energie Eolienne (FEE), le syndicat des professionnels du secteur, présentait ce mercredi 17 septembre ses propositions, issues de l'étude (1) qu'il a commandée à la société de conseil Pöyry Management Consulting, pour une nouvelle architecture du marché de l'électricité. La veille, le Syndicat des énergies renouvelables (SER) organisait une conférence de presse pour présenter les mesures à mettre en œuvre (2) en vue d'atteindre l'objectif, inscrit dans le projet de loi, de 32% d'énergie renouvelable dans notre consommation en 2030.
Une révolution pour les producteurs selon FEE
"En Europe comme en France, la tendance ces derniers mois vise à intégrer de manière poussée les énergies renouvelables au marché électrique. Cette évolution s'apparente à une révolution pour les producteurs qui verront les règles de vente de leur électricité changer radicalement", résume Frédéric Lanoë, président de FEE.
Pour faire face à ces mutations, Pôyry émet six recommandations. "Elles forment un ensemble indissociable et visent à améliorer l'efficacité de l'ensemble du marché, et pas seulement la filière éolienne", tient à préciser Franck Avedissian, Senior Principal au sein de la société de conseil. Quelles sont-elles ?
Il s'agit tout d'abord d'améliorer l'accès des EnR au réseau par des délais et des coûts plus raisonnables, d'offrir aux producteurs plusieurs possibilités de vente et de revoir le calcul des pénalités en cas d'écart entre la production réelle et les engagements de vente. Les recommandations portent aussi sur la demande. Les entités publiques devraient être incitées à fixer une part d'énergie verte dans leurs appels d'offres, suggère l'étude. Quant au déploiement des compteurs intelligents, il devrait être couplé avec une tarification dynamique permettant au consommateur de choisir les périodes de consommation en fonction du prix et de faire appel à l'électricité verte s'il le souhaite.
L'étude préconise également de restructurer en profondeur le marché du carbone, par la création d'une banque du carbone indépendante ou le recours à une réserve de stabilité. Pourquoi ? Parce que la faiblesse actuelle du prix du carbone n'incite pas à investir dans la production décarbonée. L'objectif ultime serait de permettre au marché du carbone de prendre le relais du soutien aux EnR.
Mais nous n'en sommes pas encore là et l'étude émet donc des recommandations sur le sujet sensible de la rémunération des EnR. Celle-ci prend acte des lignes directrices de la Commission européenne encadrant les aides d'Etat et du projet de loi de transition énergétique qui prévoit la mise en place de mécanismes de soutien plus en lien avec le marché. Aussi, reprend-elle l'idée d'un mécanisme basé sur une approche de prime variable en complément du prix de marché. A titre transitoire, les primes devraient être allouées par un processus administratif, estime Pöyry. Ce n'est que lorsque les conditions de concurrence seront remplies qu'elles pourront être allouées aux enchères ou par appels d'offres.
Ces recommandations concernent les projets futurs, tient toutefois à préciser Sonia Lioret, déléguée générale de FEE. Autrement dit, le syndicat demande à ce que les règles de soutien existantes (tarif d'achat) soient considérées comme acquises pour les projets en développement décidés avant l'application des nouvelles règles, et a fortiori pour les projets en exploitation, afin d'éviter tout effet déstabilisateur pour les investisseurs. "Le processus transitoire doit être lent", confirme Frédéric Lanoë, à défaut de quoi seuls les plus gros acteurs du secteur seraient en mesure de survivre.
Une très grande progressivité réclamée par le SER
Le calendrier de mise en place du nouveau dispositif doit permettre une très grande progressivité, estime également le Syndicat des énergies renouvelables (SER), qui ajoute une autre condition à son acceptabilité : que le complément de rémunération soit versé une fois le projet opérationnel "sur la base d'un niveau cible prédéterminé et permettant une rémunération normale des capitaux investis".
Pour faciliter l'intégration des EnR sur le réseau, le syndicat propose par ailleurs quatre mesures. Il s'agit tout d'abord de permettre le raccordement transitoire des installations en attendant que soient achevés les renforcements nécessaires du réseau. Il sera sécurisé par un dispositif permettant de contrôler l'injection d'électricité. "Cela permettra aux porteurs de projets avancés de bénéficier de la validité de leur permis de construire et de commencer à produire avant la finalisation des projets de renforcement qui s'étalent sur plusieurs années", explique le SER.
A l'unisson avec FEE, ce dernier réclame plus de transparence dans l'accès au réseau public (localisation des réseaux de distribution, capacités de raccordement aux postes sources, devis de raccordement) et propose une publication des files d'attente de raccordement des producteurs pour chaque poste électrique du réseau public. Il demande aussi une meilleure concertation dans l'élaboration de la documentation technique de référence.
Le SER préconise également d'exclure les installations raccordées en basse tension du champ d'application des schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR), conformément à un avis de la Commission de régulation de l'énergie (3) (CRE) de février 2012. Enfin, le syndicat propose de mettre en œuvre une convention de réseau unique entre le producteur et le gestionnaire du réseau de distribution, en lieu et place des trois documents contractuels exigés aujourd'hui : la convention de raccordement, la convention d'exploitation et le contrat d'accès au réseau de distribution (Card-I).