Malgré la production nord-américaine de carburants fossiles non conventionnels et la fourniture de pétrole offshore du Brésil, le brut d'Arabie saoudite reviendra sur le devant de la scène dans les années 2020, seule énergie majeure en mesure d'étancher la soif de pétrole de la planète. C'est une des principales révélations de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), dans le World Energy Outlook 2013 (1) , dirigé par Fatih Birol, économiste en chef de l'AIE et présenté à Londres le 12 novembre. D'ici à 2035, la demande globale aura augmenté d'un tiers, selon l'AIE, mais son centre de gravité évolue : elle sera soutenue en premier lieu par l'Inde et les pays d'Asie du Sud-Est, davantage que par la Chine. Le Moyen-Orient devient un consommateur de gaz et de pétrole de premier plan d'ici à 2030. Le Brésil fait l'objet d'un chapitre spécifique, s'illustrant par ses performances en termes d'intensité énergétique, mais aussi en tant que nouveau producteur et consommateur mondial de fossiles. Quant aux vieux pays de l'OCDE, leur consommation va stagner au cours des prochaines décennies.
Le WEO 2013 met l'accent sur le fait que les pétroles de schiste (Light Tight Oil) et les pétroles extraits à très grande profondeur vont constituer un apport supplémentaire en raison de l'amélioration des techniques d'extraction. "Mais cela ne signifie pas que le monde s'oriente vers une nouvelle ère d'abondance pétrolière. Un prix du pétrole qui s'oriente tout droit vers 128 dollars le baril en 2035 soutiendra le développement de ces nouvelles ressources, même si aucun pays ne reproduira le succès actuel des pétroles de schiste aux Etats-Unis. La montée en puissance des pétroles de schiste va réduire l'écart entre la demande, qui atteindra 101 millions de barils par jour en 2035, et l'offre de brut, qui régressera à 65 millions de barils par jour", résument les auteurs du WEO.
Le brut d'Arabie saoudite, ressource refuge
Mais la principale révélation du WEO 2013 est ailleurs. A partir de 2020, le Moyen-Orient redeviendra l'acteur et le pourvoyeur clé de pétrole brut. A l'heure actuelle, le rôle des pays de l'OPEP est provisoirement restreint par quatre principaux faits : la montée en puissance des exportations des Etats-Unis, actuellement premier producteur de pétrole mondial en raison de ses champs de pétrole et gaz de schiste ; les exportations de sables bitumineux du Canada ; la mise en production au Brésil de pétrole offshore extrait à grande profondeur, dont le débit atteindra 6 millions de barils par jour d'ici à 2035 ; et, plus globalement, la production de gaz naturel liquéfié un peu partout sur la planète. Cette combinaison d'apports de carburants en provenance d'autres pays que l'OPEP commencera à se tarir à partir des années 2020, prévoit l'AIE. Les compagnies pétrolières des pays de l'OPEP contrôleront alors quelque 80% des réserves prouvées.
Confirmation du pic pétrolier
L'AIE confirme la tendance au pic pétrolier à travers l'analyse de plus de 1.600 puits : une fois passé leur pic, ceux-ci s'illustrent par une décrue de 6% de leur production annuelle. "Même si ce chiffre varie selon les puits, la conséquence est que, d'ici à 2035, la production de pétrole brut des champs actuellement en production aura chuté de quelque 40 millions de barils par jour", résume le WEO. Sur les 790 milliards de barils devant être mis en production d'ici à 2035 pour satisfaire la demande mondiale telle que l'AIE la projette, plus de la moitié servira à endiguer le déclin de la production. "Les producteurs de fossiles non conventionnels seront lourdement dépendants de forages en continu pour tenter d'endiguer la baisse de niveau des puits".
Les aléas des huiles et gaz de schiste
L'incertitude caractérise les projections sur les huiles et gaz de schiste. "Forer des puits de pétrole ou de gaz de schiste demeure une opération d'essai. Quand il se déplace vers un nouveau secteur, un opérateur expérimentera une largeur de puits différente, des stades de fracturation variables, des fluides de fracturation différents et des stratégies de perforation différentes jusqu'à ce qu'une combinaison satisfaisante fournisse de bons retours sur investissement. Trouver les parties favorables du réservoir, celles qui sont faciles à mettre en production, est souvent une opération aléatoire". Le taux de récupération de ces fossiles de schiste est soumis à l'avènement encore hypothétique de nouvelles découvertes technologiques.
Le WEO se penche également sur un point crucial : le coût des techniques d'extraction. Et souligne que toutes les ressources futures ne pourront pas être mises en production aux mêmes coûts qu'aujourd'hui. L'AIE établit un modèle combinant taux de déplétion des ressources par pays, évolutions technologiques et inflation des coûts industriels, qui tendent à augmenter corrélativement au prix du baril. "La capacité de l'industrie pétrolière à développer rapidement de nouvelles ressources est limitée, en partie en raison de la difficulté de trouver du personnel compétent, et aussi en raison de la durée requise par des projets à long terme. Il y a donc des contraintes pour satisfaire la demande en temps et en heure", avertit l'Agence internationale de l'énergie.