Associé au cabinet LPA-CGR avocats
Actu-environnement : L'arrêté fixant les conditions du complément de rémunération pour l'éolien terrestre a été publié au Journal officiel le 14 décembre. Il était très attendu par la filière…
Fabrice Cassin : Cet arrêté a en effet été longuement travaillé. Il s'agit d'un arrêté de transition, qui fixe pour l'année 2016 les conditions du basculement de la filière éolienne vers un régime "marché + prime". Ce régime transitoire était important, car la Commission européenne a créé la surprise en remettant en question l'arrêté tarifaire de 2014, qui bénéficiait pourtant d'une validation par la Commission le 27 mars 2014, valable pendant dix ans sauf modification substantielle. Contrairement à l'engagement qu'avait pris le gouvernement de maintenir l'obligation d'achat jusqu'en 2018, la filière doit donc opérer le basculement vers le marché dès le 1er janvier 2016. La Commission a considéré que toutes les filières d'énergies renouvelables devaient désormais être confrontées au marché. Elle a jugé que la France ne pouvait pas être le seul Etat membre à maintenir un tarif d'achat élevé, au risque de fausser les conditions de fonctionnement du marché de l'énergie.
AE : L'enjeu était donc de sécuriser en priorité les projets pour cette année 2016 ?
FC : Les producteurs ont été pris à revers. Le passage au complément de rémunération contrariait leurs prévisions, le tarif d'achat était très sécurisant pour le financement des projets. La France a donc demandé que, pour cette première année, le complément de rémunération soit au niveau du tarif d'achat de 2014. Sur ce point, la Commission européenne pouvait faire des difficultés mais la demande des autorités françaises a été entendue. Le complément de rémunération reste fixé pour 2016 au niveau cible antérieur issu de l'arrêté du 17 juin 2014, et accessible en guichet ouvert. Sont concernées toutes les installations qui ont effectué une demande complète de contrat d'achat (DCCA) après le 1er janvier 2016 et celles qui auront déposé une demande complète de contrat de complément de rémunération (DCCR), après parution de l'arrêté du 13 décembre 2016 et avant le 31 décembre 2016. Les installations jusque-là sous contrat d'achat peuvent également, avant la fin de l'année, demander à basculer vers le complément de rémunération.
AE : Les conditions sont donc réunies pour que la filière bascule de manière satisfaisante dans des mécanismes d'aides sensibles au marché ?
FC : Cette première étape est satisfaisante mais d'autres questions persistent. L'une d'elle concerne la construction du marché électrique. La prime de gestion a été fixée à 2,8 €/MWh alors que nous avions plaidé pour une prime plus élevée. Ce point est important car, pour créer des conditions saines de marché, il faudrait que des parcs sous obligation d'achat soient incités à basculer vers le complément de rémunération, afin d'atteindre une masse critique assurant une concurrence sur le marché de l'agrégation. Dans le cas contraire, peu d'acteurs se positionneront et les producteurs ne pourront pas, ou très peu, faire jouer la concurrence entre les agrégateurs. C'est une nouvelle ère qui commence pour la filière, avec de nouveaux risques financiers.
Une autre question concerne les installations demeurées sous obligation d'achat en application de l'arrêté tarifaire du 17 juin 2014. Elles doivent, à ce jour, être achevées sous un double délai contraignant issu du décret du 28 mai 2016, à savoir 36 mois à compter de la DCCA ou 18 mois à compter dudit décret sous peine de perte de l'obligation d'achat. Or, aujourd'hui, avec les contentieux et les délais de raccordement, ce délai d'achèvement est beaucoup trop restrictif. Des assouplissements prenant en compte ces contraintes devraient être intégrés dans un prochain texte relatif au contrôle des installations. Il y a environ 6 à 7.000 MW de projets de ce type dans les tuyaux. Ces projets peuvent en principe demander à basculer dans le complément de rémunération pour échapper à ces contraintes. Là encore, l'intention est de pousser les installations dans le régime de marché.
AE : La filière attend également l'arrêté qui fixera les conditions du complément de rémunération à compter du 1er janvier 2017. Où en est-on ?
FC : Les discussions sont bien avancées. Mais là aussi des questions persistent. Les Lignes directrices européennes indiquent qu'à compter de 2017, les appels d'offres sont le principe, le guichet ouvert l'exception. Dans ces conditions, quelle sera la durée de ce mécanisme ? Ce guichet sera limité à des parcs de six machines, mais s'ajoutera-t-il un maximum de puissance installée? Le volume d'aide sera-t-il plafonné ?
Quant aux appels d'offres, il est important qu'ils soient planifiés sur plusieurs années, comme c'est le cas pour la filière photovoltaïque. Cela permet une stabilité et une visibilité pour la filière et ses investisseurs. Quels seront les critères de choix ? Le critère du prix sera-t-il prédominant ou les critères environnementaux, technologiques, etc. viendront-ils le pondérer substantiellement ? Il est nécessaire d'y voir clair rapidement.