Ce jeudi 31 octobre, le Journal officiel publie deux arrêtés complétant le cinquième programme de lutte contre la pollution aux nitrates agricoles. Le premier texte finalise le programme d'actions national pour les zones vulnérables aux nitrates. Le second encadre les programmes d'actions régionaux applicables aux zones les plus vulnérables. Ces textes sont pris en application de la directive nitrates de 1991 qui fait l'objet de deux contentieux devant la Cour de justice de l'Union européenne à (CJUE).
Ils s'appliquent aux zones vulnérables délimitées fin 2012. "L'objectif clef de l'action gouvernementale est de concilier la performance économique des activités agricoles et le respect des exigences environnementales", indiquaient les services des ministères de l'Agriculture et de l'Ecologie en fin de semaine dernière, lors de l'annonce de la signature des textes.
En juin, la CJUE a déjà condamné la France sur ce dossier. La Cour a jugé que l'Etat membre avait omis de désigner en tant que zones vulnérables plusieurs masses d'eau de surface et souterraines contenant, ou risquant de contenir, des teneurs en nitrates excessives.
La Commission aux aguets
La publication des deux textes intervient alors que mardi prochain se tiendront les plaidoiries devant la CJUE relatives au second contentieux européen qui oppose la Commission européenne à la France concernant l'efficacité des programmes d'actions nitrates.
"Les ministres en charge de l'agriculture et de l'écologie défendront auprès de la Commission européenne la pertinence et l'efficacité de cette nouvelle réglementation", indiquaient vendredi dernier les deux ministères.
Reste que la publication de ces textes, qui viennent donc réformer des programmes jugés insuffisants par la Commission, ne va pas nécessairement atténuer le courroux de l'exécutif européen. Initialement, le programme d'action national aurait dû entrer en vigueur au 1er septembre 2012. Par ailleurs, certaines mesures prévues dans le plan national constituent un assouplissement des mesures précédentes. Enfin, l'Autorité environnementale a estimé, dans son avis rendu en juillet, que le programme d'actions national peut certes répondre aux enjeux soulevés par cette pollution, mais que "l'absence de dispositif de contrôle serait de nature à mettre en cause l'efficacité de tout le programme".
Quant aux programmes régionaux ils auraient dû être finalisés pour le 1er juillet 2013. Or, ils ne le seront pas avant le printemps 2014, puisqu'ils doivent être déclinés par des arrêtés à prendre par les préfets de région.
Les textes ménagent les éleveurs
L'arrêté relatif au programme d'actions national fixe les conditions relatives à l'épandage de lisiers riches en azote sur des sols pentus et détrempés, à la couverture végétale des sols en période pluvieuse et à la mise en place de bandes végétalisées le long des cours d'eau. Autant de mesures qui doivent éviter que l'azote épandu dans les champs ne contamine les masses d'eau par ruissèlement.
De même, le texte fixe des capacités de stockage minimales des effluents par type d'élevage et actualise certaines normes de production d'azote. S'agissant des capacités de stockage, le texte comporte des aménagements afin de limiter la charge financière imposée aux éleveurs. Ainsi, le texte stipule que "les élevages engagés dans un projet d'accroissement de leurs capacités de stockage visant à acquérir les capacités requises [conformément aux annexes de l'arrêté] bénéficient d'un délai de mise en œuvre de ces dispositions", délai qui court jusqu'au 1er octobre 2016, soit sur quasiment toute la durée du plan quinquennal... De même, certains types d'effluents d'élevage, tels que les fumiers compacts pailleux et les effluents faisant l'objet d'un traitement ou d'un transfert, sont exclus de l'obligation de stockage.
L'arrêté relatif aux plans régionaux fixe pour sa part le cadre du renforcement local de certaines des mesures prévues par le plan national. Il prévoit la mise en place d'un groupe de concertation afin d'établir les plans régionaux. Ce groupe rassemblera, autours des préfets de région et de départements, des représentants des chambres d'agriculture, des organisations professionnelles agricoles, des collectivités territoriales, des industries de l'agro-alimentaire, des agences de l'eau ou encore des associations de protection de la nature et des consommateurs.
Les mesures qui peuvent être renforcées sont notamment la durée des périodes minimales d'interdiction d'épandage des fertilisants azotés, la limitation de l'épandage des fertilisants et les règles de couverture végétale.
Objectif poursuivi par ce renforcement local des règles nationales ? "[Garantir] un niveau de protection de l'environnement comparable à celui obtenu par le programme d'actions précédent", indique l'arrêté. Il n'est pas certain que la Commission se satisfasse du maintien de l'efficacité d'un programme qu'elle considère comme insuffisant.