Cependant, selon Yannick Jadot, malgré le fait qu'il y a de large consensus sur les objectifs pour sortir de la crise écologique (…) il reste incontestablement de lourds conflits. La proposition d'un moratoire sur la construction d'aéroports et d'autoroutes par exemple n'a pas trouvé d'écho auprès du collège « entreprises ». Le MEDEF, la CGPME et les transporteurs routiers craignent en effet que ce moratoire limite la croissance économique. Même crainte face à l'éco-redevance ou à la réduction de la vitesse de 10km/h pour les poids lourds.
La question d'un moratoire sur les cultures OGM en plein champ est également sensible. La FNSEA et les chambres d'agriculture s'opposent à cette idée arguant que ceci représenterait un blocage de la recherche et aboutirait à un retard de la France dans le domaine des biotechnologies.
Le débat a également été très difficile concernant les pesticides. L'objectif d'une réduction de l'utilisation des pesticides de 50 % en dix ans est approuvé par la majorité dans les groupes de travail mais la question des moyens à mettre œuvre pose problème : officiellement, les agriculteurs, les plus exposés aux pesticides, ne se posent pas en ardents défenseurs de ces produits et la FNSEA se contente de dire que les agriculteurs n'utilisent pas les pesticides parce que ça les amuse mais parce qu'ils ne peuvent faire autrement, explique l'Alliance. Quant à l'industrie phytosanitaire et notamment l'Union des industries de la protection des plantes (UIPP), elle met en avant les « progrès » déjà réalisés, et rappelle que les quantités utilisées ont déjà baissé de 40 % entre 1999 et 2000. Sur ce sujet, le désaccord s'est même traduit jusque dans le vocabulaire puisque les professionnels agricoles ne veulent pas entendre parler de « pesticides » mais de « produits phytopharmaceutiques ».
Aucun consensus n'a également été trouvé en ce qui concerne le nucléaire et les incinérateurs. Alors que les ONG demandent un moratoire sur la construction de nouvelles usines d'incinération, l'État, les collectivités territoriales et les entreprises refusent de se passer de ce mode de traitement. En revanche un consensus a été trouvé sur la nécessité de réduire le volume de déchets à la source. La généralisation de la redevance incitative est en effet une mesure largement plébiscitée.
Cependant, pour l'Alliance, c'est loin d'être gagné. S'il y a de large consensus sur les objectifs, il n'y en a pas sur les moyens, s'inquiète Yannick Jadot. Si les collèges refusent les ruptures que nous portons, cela signifie promouvoir le statut quo, ajoute-t-il. Dans les mois à venir, l'Alliance va donc s'atteler à vérifier que les moyens d'action proposés collent aux objectifs et permettent leur mise en œuvre effective. Sinon le Grenelle sera un échec, prévient Yannick Jadot. Selon Daniel Richard, la seconde période de travail va voir les acteurs contestataires et lobbyistes devenir très actifs. Le président du WWF craint surtout que leur principal argument à savoir « flexibilité oui, contraintes non » ne pousse à l'inaction. Donc si les associations sont globalement satisfaites de la première phase elles resteront attentives durant la seconde au moment où le gouvernement sera amené à négocier les propositions en vu de l'élaboration d'un programme d'action à la fin du mois d'octobre. L'Etat va être associé à la négociation et le président de la république devra poser un certain nombre d'arbitrages qui relèvent de sa responsabilité, explique Yannick Jadot. Il n'est pas question pour nous qu'il fasse son marché et fasse une annonce publique sur ce que lui retient comme programme national de protection de l'environnement, poursuit-il. De son côté Daniel Richard fait preuve d'optimisme : Notre président a une chance importante de montrer qu'il réalise ses promesses en donnant au Grenelle un succès large et il a aussi intérêt à le faire en prenant la présidence européenne ! Or il a besoin d'un succès sur son territoire pour exercer une autorité au niveau européen, estime-t-il.