Les ministres européens chargés de l'énergie sont parvenus ce vendredi 13 juin 2014 à un accord politique sur le projet de directive relative au changement d'affectation des sols indirect (Casi, ou Iluc en anglais) qui doit modifier la directive relative à la qualité des carburants et celle relative aux énergies renouvelables.
Le texte avait été présenté par la Commission en octobre 2012. Le Conseil avait examiné un texte de compromis en décembre 2013 mais une alliance de circonstance avait fait capoter le projet d'accord. La présidence grecque s'est concentrée sur les mesures visant à encourager l'utilisation des biocarburants avancés et sur la prise en compte des émissions liées aux changements d'affectation des sols pour dégager un compromis. Avec succès puisque le texte a été adopté par l'ensemble des Etats membres, à l'exception de la Belgique et du Portugal qui ont voté contre.
"Ce compromis est raisonnable et équilibré. Il n'est pas parfait, mais il est attendu par beaucoup d'acteurs industriels", a souligné Alexis Dutertre, représentant de la France à la réunion du Conseil, rapporte l'AFP.
Des ambitions réduites pour les agrocarburants de première génération
Cet accord prévoit la fixation d'un niveau minimal de 7% de la consommation finale d'énergie dans les transports en 2020 pour les agrocarburants de première génération produits à partir de céréales ou de plantes sucrières et oléagineuses. La fixation de ce seuil permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) liées aux changements d'affectation des sols, fait valoir le Conseil.
Les réactions sur ce compromis moins ambitieux que ce qui était envisagé initialement sont partagées. La filière française du bioéthanol salue dans un communiqué une "initiative éclairée et pertinente".
De son côté, Corinne Lepage, qui a été rapporteur du texte mais n'a pas été réélue lors des dernières élections au Parlement européen, dénonce le rôle de la France dans l'adoption d'un texte qu'elle juge affaibli. "On sait aujourd'hui que la plupart des agrocarburants de première génération entraînent des émissions de gaz à effet de serre égales voire supérieures à celles du pétrole conventionnel, indique l'ancienne ministre de l'Environnement. Le soutien continu de la France aux agrocarburants de première génération est une absurdité qui contribue à la déforestation, et se fait au détriment des investissements d'avenir dans les agrocarburants de deuxième génération".
La Commission proposait un plafonnement à 5% des agrocarburants de première génération mais la France s'est battue pour que le plafond ne descende pas en deçà de 7%, déplore Corinne Lepage.
Simple incitation à la transition vers les agrocarburants avancés
De plus, ajoute l'ex-eurodéputée, Paris a bloqué la mise en place d'un objectif contraignant de 0,5% d'agrocarburants avancés, "pourtant nécessaire pour débloquer les investissements dans les agrocarburants issus de déchets ou de technologies innovantes".
L'accord ne prévoit en effet qu'une incitation à la transition vers les agrocarburants de deuxième et troisième générations, dits "agrocarburants avancés". Les Etats membres gardent en effet la possibilité de fixer un objectif inférieur, sous réserve de le justifier.
Les professionnels du bioéthanol dénoncent des artifices comptables
"La nouvelle annexe IX de la directive sur les énergies renouvelables énumère des matières premières pour les biocarburants avancés qui font l'objet d'une double comptabilisation pour la réalisation des objectifs", indique par ailleurs le Conseil.
Les professionnels du bioéthanol dénoncent du même coup "des artifices comptables qui favorisent le maintien des énergies fossiles". En comptant plusieurs fois, de façon artificielle, certaines énergies renouvelables, "ce compromis limite les quantités d'énergies renouvelables consommées et facilite le maintien des énergies fossiles dans le mix énergétique des transports", expliquent-ils. Au final, ajoutent les professionnels, la réduction réelle des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports est limitée et l'accord ne garantit pas la pérennité de la filière française du bioéthanol.
Ils appellent par conséquent les institutions européennes à modifier le texte afin de préserver l'avenir de leur filière. Les négociations vont en effet s'engager avec le Parlement européen qui s'était prononcé, en septembre 2013, pour un plafonnement à 6% des agrocarburants de première génération et un objectif de 2,5% pour les agrocarburants avancés.
"Ce sera difficile", a prédit le ministre italien Claudio de Vicenti, selon des propos rapportés par l'AFP. M. Vicenti est bien placé pour en parler : l'Italie prend la présidence tournante de l'UE à compter du 1er juillet.