Pour 2020, le Grenelle fixe l'objectif de production d'énergie renouvelable à 37 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep), dont près d'un tiers est assigné au bois énergie. Si globalement, les professionnels estiment que la ressource française en bois devrait permettre d'atteindre cet objectif, sa mobilisation semble délicate.
Quelles sont les actions prioritaires pour mobiliser les ressources disponibles ? C'est à cette question qu'ont tenté de répondre les participants à la table ronde organisée le 30 juin 2011 par le Syndicat des énergies renouvelables (SER) lors de la première édition du Colloque national biomasse.
Assurer l'approvisionnement
"Il y a deux rythmes distincts, le rythme long de la filière bois et le rythme court de l'énergéticien", explique Michel Boyadjian, directeur des approvisionnements de Soven, filiale de l'énergéticien Cofely, ajoutant que "la difficulté tient dans le fait que la réalisation des objectifs du Grenelle impose une cadence soutenue." Il s'agit donc de trouver rapidement des outils qui permettent de sortir le bois des forêts françaises.
Par ailleurs, un projet de chaufferie biomasse, qui s'engage à fournir une quantité fixée de chaleur et/ou d'électricité à un prix déterminé, implique un approvisionnement sur 10 à 20 ans. La durée "est [donc] un gros sujet", complète Michel Boyadjian.
Afin d'assurer un approvisionnement pérenne sur de longues périodes, énergéticiens et forestiers s'accordent sur un point : la création d'un mécanisme qui satisfasse les deux parties et assure des livraisons de bois à long terme est essentielle. Si de nombreux éléments sont pris en compte dans cette négociation, le prix de vente du bois énergie est sans conteste l'élément déterminant pour le succès des discussions.
Sortir de la logique des déchets…
"La rémunération des propriétaires est un point de départ incontournable" estime Michel Boyadjian précisant qu"elle apportera la solution au problème". "Il faut payer le bois" confirme Pierre de Montlivault, directeur des nouvelles offres énergétiques de Dalkia, rappelant qu'"on est parti sur l'illusion d'une énergie qui ne valait rien, même si aujourd'hui on en revient."
Du point de vue des forestiers, l'ajustement des prix reste à matérialiser. Le prix du bois énergie "reste un prix plancher" estime Benoît Fraud, directeur d'ONF Energie, filiale de l'Office national des forêts, qui explique que la vente de plaquettes forestières ne représente que 1 % du chiffre d'affaires de l'Office, très loin derrière la vente de bois d'œuvre. Un point confirmé par Luc Bouvarel, directeur général de la Forêt privée française, qui estime que "le prix du m3 de bois est identique, en euros constants, à celui payé en 1983."
Pour Jean-Pierre Michel, président de France bois forêts, cette situation s'explique par l'histoire du bois énergie en France. "Pendant longtemps, on parlait de déchet, il fallait alors payer pour sortir les branchages des forêts", explique-t-il, ajoutant qu'aujourd'hui les plaquettes forestières acquièrent de la valeur. "On ne veut pas que le prix du bois énergie atteigne celui du bois d'œuvre, mais on ne veut pas que le bois énergie soit considéré comme un déchet", résume Luc Bouvarel.
… pour initier une logique énergétique
Si tout le monde s'accorde pour "payer le bois" et "ne plus le considérer comme un déchet", il semble néanmoins que la définition du prix juste constitue une réelle difficulté. En l'occurrence, énergéticiens et forestiers cherchent à définir un indice permettant une revalorisation du prix du bois dans le temps. Une question en particulier divise pour l'instant les parties : faut-il indexer le prix du bois sur celui de l'énergie, et du pétrole en particulier ?
"Ce serait dommage", estime le représentant de l'énergéticien Cofely qui "préfère un indice autoporté." Même point de vue pour le représentant de Dalkia qui estime qu'"il ne faut pas indexer le prix du bois sur celui du pétrole, même s'il est clair que le prix de la 'chaleur bois' est amené à augmenter."
"Pourquoi parler en m3 de bois ?", demande pour sa part Luc Bouvarel, directeur général de la Forêt privée française, ajoutant "pourquoi ne parlerions-nous pas en kilowatt heure ?" Pour Alain Jacquet, directeur de la coopérative Forêt et bois de l'Est, "on ne peut pas s'affranchir du prix du pétrole, car le consommateur fait la comparaison." Il estime notamment que si le prix du pétrole croît, la demande se portera sur les énergies alternatives, dont le bois.
En l'état, le désaccord semble donc total entre énergéticiens et forestiers.
Les aides publiques à la rescousse
Faute d'accord dans l'immédiat, les parties prenantes s'intéressent aussi aux divers financements publics qui pourraient simplifier la mise en place d'un modèle économique viable et satisfaisant pour tous. Du côté des producteurs d'énergie, le prix d'achat de l'énergie est central puisqu'il détermine la rentabilité des projets, la demande en bois et le prix du bois. "Il faut pérenniser le Fonds chaleur", estime Pierre de Montlivault, qui déplore qu'"il n'y ait pas eu de hausse du financement du Fonds entre 2010 et 2011, contrairement aux engagements de l'Etat."
Pour les forestiers, si la vente du bois énergie n'est pas suffisante, la rémunération des services environnementaux pourrait apporter un complément qui incite à la gestion durable des forêts. Il s'agit notamment de rémunérer le rôle des forêts dans le cycle de l'eau, via par exemple une taxe sur la consommation d'eau, ou la séquestration du carbone. S'agissant de la séquestration du carbone, "on parle de quelques millions d'euros par an sur les milliards d'euros que pourraient rapporter les enchères des permis d'émissions", explique Jean-Pierre Michel qui défend de tels financements en soutien à la sylviculture.