A l'occasion du débat sur l'énergie, Actu-environnement publie une série d'articles sur la programmation pluriannuelle des investissements (PPI) pour la production d'énergie.
La loi de programmation de l'énergie, qui devrait être présentée au Parlement à l'issue du débat sur l'énergie, à l'automne, aura pour horizon 2025. Elle devra déterminer le mix énergétique à cette échéance et la trajectoire à suivre pour y parvenir.
Si le débat est ouvert, le Président de la République a néanmoins fixé, lors de la Conférence environnementale, un cadre et des prérequis aux discussions : la France devra respecter ses engagements climatiques (3x20 en 2020 et facteur 4 en 2050) et la part du nucléaire dans la production d'électricité devra passer en 2025 de 75 à 50%. La centrale nucléaire de Fessenheim sera fermée à la fin de l'année 2016. Enfin, au cours du quinquennat (2012-2017), la fracturation hydraulique pour l'exploitation des gaz de schiste est interdite.
Il revient aux participants au débat (et au Conseil national du débat qui rédigera les recommandations) de définir l'ambition de la France en matière d'efficacité énergétique et de sobriété, les stratégies de développement des filières et des territoires mais aussi les financements.
Certaines problématiques, comme celles de l'évolution de la consommation mais aussi du prix de l'énergie, devront faire l'objet d'hypothèses de départ, même si les positions des uns et des autres seront difficiles à faire converger sur ces questions. En revanche, certaines évolutions et situations sont d'ores et déjà connues.
Quelle consommation énergétique ?
Plusieurs scénarios à l'horizon 2030 et 2050 devraient venir éclairer le débat. Un comité d'experts va se charger de présenter les principales modélisations. Une hypothèse d'évolution de la consommation devra être arrêtée. Elle servira de base à la trajectoire énergétique.
Plusieurs pistes sont déjà connues. D'abord, le gouvernement a indiqué vouloir privilégier l'efficacité énergétique et la sobriété. François Hollande s'est par exemple engagé à mettre aux meilleures normes énergétiques un million de logements neufs et anciens par an à terme. L'entrée en vigueur de la RT 2012 (1) dans le résidentiel devrait d'ores et déjà réduire la consommation d'électricité dans le parc neuf (200.000 logements par an dès 2013) et entraîner des reports significatifs en matière d'énergie de chauffage, a estimé le gestionnaire de réseau RTE dans son bilan prévisionnel de l'équilibre offre-demande. D'autres réglementations devraient également entraîner une baisse de la demande d'électricité : la disparition progressive des ampoules à incandescence dès 2017 et la hausse du niveau de performance énergétique pour l'électroménager et les appareils électriques.
Outre ces données connues, de nombreuses incertitudes pèsent cependant sur la consommation future d'électricité, notamment l'évolution du PIB, l'évolution du tissu industriel français (la réindustrialisation de la France est à l'ordre du jour) et de l'intensité énergétique. Certains changements sont encore incertains, comme le niveau de développement du parc automobile électrique.
Malgré tout, un sujet devra faire l'objet d'une attention particulière : la thermosensibilité de la consommation électrique. La pointe d'électricité coûte cher à la France. "En dix ans, le pic de consommation a augmenté de 25%. Le pic de consommation de l'an 2000 a été dépassé 78 fois en 2011 et 116 fois en 2012 - avec un pic historique supérieur à 102 GW le 8 février 2012", indique RTE.
Quel réseau électrique ?
RTE a publié un deuxième document incontournable pour la définition de la future trajectoire énergétique : le projet de schéma décennal de développement du réseau de transport d'électricité, qui "évalue les besoins de développement de réseau permettant d'assurer les conditions de l'équilibre entre l'offre et la demande à moyen et long termes et de maintenir tant la qualité que la sécurité d'alimentation électrique du pays".
Présenté fin novembre et mis en consultation jusqu'au 21 décembre, ce schéma analyse notamment les conséquences d'une évolution majeure du mix énergétique français. "La transition énergétique pourrait se traduire par un changement de répartition géographique des centrales de production. Des travaux importants seront nécessaires pour rééquilibrer le réseau électrique français", note RTE. Mais rien d'impossible pour autant, "le réseau de transport d'électricité peut s'adapter en temps et en heure pour permettre la mise en œuvre des choix de politique énergétique qui seront faits, dès lors que ceux-ci relèvent d'une vision de long terme". Ainsi, l'adaptation du réseau au scénario "nouveau mix", qui table sur une réduction d'un tiers de la puissance nucléaire installée, une maîtrise de la demande et un développement des énergies renouvelables et du gaz, devrait requérir une dizaine d'années.
Le nouveau mix devra également être localisé pour permettre la préparation du futur système électrique, souligne RTE. La réalisation des schémas régionaux climat air énergie (SRCAE) aura ouvert une partie du chemin en identifiant les potentiels de chaque énergie à l'échelle locale. Ils éclaireront les discussions, tant au niveau régional que national.
Quel parc de production ?
Concernant le mix énergétique lui-même, plusieurs données sont déjà connues. Ainsi, d'ici 2016, la centrale nucléaire de Fessenheim (1.800 MW) devrait fermer et l'EPR de Flamanville (1.650 MW) devrait ouvrir. En revanche, l'EPR de Penly ne devrait pas être lancé au cours de ce quinquennat.
Sur le nucléaire, il reste cependant plusieurs inconnues : les résultats des visites décennales qui doivent permettre de trancher au cas par cas sur une exploitation des réacteurs au delà de trente ans, et la prise en compte par les exploitants des prescriptions émises par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) à la suite des stress tests. Enfin, le scénario retenu devra émettre une hypothèse sur la question de la prolongation de certains réacteurs nucléaires au-delà de quarante ans.
Concernant le parc thermique, RTE a d'ores et déjà donné ses recommandations afin d'assurer la sécurité électrique après 2015 (remplacement des centrales thermiques ne répondant plus aux normes européennes…).
Enfin, par rapport aux précédents exercices de programmation des investissements de production d'énergie (PPI), certains pas technologiques ont été franchis. C'est le cas notamment pour l'énergie hydrolienne, dont plusieurs démonstrateurs ont été développés en France. Plusieurs études devraient venir éclairer les travaux sur ce sujet d'ici fin 2012, comme les résultats d'une mission de RTE sur les modalités d'évacuation de la puissance hydrolienne au large du Cotentin ou le développement par le ministère de l'Ecologie d'un outil d'analyse permettant d'identifier des zones plus ou moins propices au déploiement des hydroliennes.