Désignée comme le plus mauvais élève de l'Europe pour l'insuffisance de sa part d'énergies renouvelables dans son mix énergétique de 2020, la France a-t-elle fait mieux en 2021 ? Selon le dernier baromètre des énergies renouvelables électriques, publié par l'Observ'Er, en partenariat avec l'Agence de la Transition écologique (Ademe) et la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), c'est bel et bien le cas. Du moins en apparence. En totalisant quelque 61 GW de capacité installée en fin d'année (60,45 GW en septembre dernier), les EnR électriques ont en effet gagné du terrain, enregistrant au passage un surplus de puissance de 4,5 GW.
Un résultat bien supérieur à ceux des dix dernières années, qui lui permet d'afficher désormais un taux de 25 % d'énergie renouvelable dans sa consommation électrique totale. Mais l'objectif de 27 % fixé par l'Union européenne pour le pays en 2020, lui, n'est toujours pas atteint... « Ces deux petits points de retard, ça parait peu, mais c'est énorme, remarquait Vincent Jacques le Seigneur, président d'Observ'Er, le 25 janvier dernier, lors de la présentation de l'étude. Ces trois ou quatre gigawatts qui nous manquent expliquent pour partie le gros souci que nous avons sur la fourniture d'électricité en ce moment-même. »
Deux petits points qui pèsent lourd
La Programmation pluriannuelles de l'énergie (PPE) prévoit d'atteindre 20,1 GW en solaire en 2023. « Nous n'en sommes qu'à 13,23, constate Frédéric Tuillé, l'un des responsables de l'étude. Il faut donc rester vigilant. » Le retard est encore plus important concernant l'éolien terrestre, lui aussi en butte à de fortes oppositions et divers blocages. Censé atteindre 24,1 GW dans deux ans, il plafonne aujourd'hui à 18,5. « Nous progressons au rythme de 1,5 GW par an. Il en faudrait le double », souligne Frédéric Tuillé.
Des leviers pour stimuler la production
Quant à hydroélectricité, qui affiche une puissance installée de près de 26 GW, elle dispose d'une très faible marge de progrès, avec des projets particulièrement longs à faire aboutir. Intéressante pour ses capacités de stockage, elle pourrait malgré tout se développer encore, si cette qualité était mieux prise en considération et ce service mieux rémunéré, estime Frédéric Tuillé. Entre complexités administratives, accès restreints au foncier et mouvements d'oppositions, de nombreux obstacles persistent pour l'ensemble de ces EnR.
Mais des leviers existent aussi pour doper leur production. Chef de service adjoint EnR à l'Ademe, Stéfan Louillat mise ainsi beaucoup sur éolien en mer. « Nous disposons d'un tel gisement, en France, qu'il conviendrait d'accélérer son industrialisation et l'adaptation des zones portuaires », souligne-t-il. Si aucun parc n'est à ce jour en fonctionnement – le premier devrait être inauguré au large de Saint-Nazaire en fin d'année –, 2,5 GW de projets ont déjà été attribués. L'enjeu sera donc de ne pas prendre trop de retard. « Il faudra aussi réussir le virage des nouvelles attributions et leur réalisation, prévient Frédéric Tuillé. Pour cela, comme pour l'éolien terrestre, il faudra améliorer la visibilité des projets à long terme et préparer le terrain en tenant compte des oppositions. »
Collectivités locales et citoyens en renfort
Autre piste à suivre, encore balbutiante mais très prometteuse, l'implication des acteurs de terrain (collectivités, citoyens, petites entreprises…), dans le lancement et le suivi de projets locaux. Soit par le biais des sociétés d'économie mixte, soit par celui des « communautés d'énergie renouvelable » inscrites dans la loi Énergie-climat de 2019. Selon l'Ademe, l'investissement citoyen représenterait 1 % de la part des ENR. « C'est peu, mais cela signifie que le potentiel est considérable », insiste Stéfan Louillat. Le président d'Observ'Er, lui, en est convaincu : « Les collectivités sont la clé », assure-t-il.
Ce type de participation est d'ailleurs encouragé par Barbara Pompili, qui annonçait lors des Assises des énergies renouvelables citoyennes, en novembre dernier, un objectif de « 1 000 nouveaux projets à l'horizon 2028 ». À ce jour, on en compte moins de 200. Mais les volontaires pourront désormais s'appuyer sur quelques avancées récentes, comme la bonification tarifaire accordée par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) aux porteurs de projets en cas de participation citoyenne, ou l'extension du dispositif de l'obligation d'achat aux installations sur bâtiment ou ombrières de moins de 500 kW.
Ayant noté cette transformation des consommateurs en acteurs, les développeurs en tiennent compte de plus en plus souvent et les associent plus étroitement aux projets. Enfin, signe de la bonne santé et de la compétitivité des EnR : les PPA, ces contrats de vente directe entre exploitants et gros consommateurs sur le long terme sans mécanisme de soutien, se multiplient. Le nouveau Paquet climat-énergie de l'UE, qui aborde la question de la taxation de l'énergie, et son règlement dit « de la répartition de l'effort », qui s'accompagne d'une feuille de route pour chaque État, pourraient également changer la donne en 2022.