La motion d'irrecevabilité à l'encontre de la proposition de loi de François Brottes sur la tarification progressive de l'énergie, qui avait été votée jeudi dernier en commission des affaires économiques, a été ratifiée en séance dans la nuit de mardi à mercredi par 187 voix contre 156. Le projet, très affaibli, n'est toutefois pas complètement mort.
Un vote qui affaiblit le Gouvernement
La motion d'irrecevabilité a été présentée par les sénateurs communistes du groupe Communiste républicain et citoyen (CRC), auxquels se sont joints les élus UMP et les centristes. La gauche n'étant majoritaire que de six voix au Sénat, la motion a été mathématiquement adoptée.
Les communistes, comme l'UMP, dénonçaient une rupture d'égalité devant l'accès à l'énergie, sur la base de critères contestables. La complexité du dispositif était également pointé par de nombreux sénateurs, y compris, semble-t-il, au sein de la majorité.
Il s'agit du premier texte soutenu par le Gouvernement à être retoqué par le Parlement depuis l'alternance. Ce vote, qui intervient après la censure par le Conseil constitutionnel du projet de loi Duflot sur le logement, affaiblit incontestablement le Gouvernement.
"Je regrette que des élus de gauche, du groupe communiste, aient pu être instrumentalisés par la droite pour bloquer un texte de justice sociale et d'efficacité écologique", a déclaré la ministre de l'Ecologie, Delphine Batho, à l'issue du vote. "C'est une situation politique qui est celle du Sénat, ce n'est pas la première fois que ça se passe et ce ne sera pas la dernière", a toutefois relativisé Alain Vidalies, ministre des Relations avec le Parlement à la sortie du Conseil des ministres.
Prémices du débat national sur la transition énergétique
Derrières les réactions, se profilent les prémices du débat national sur la transition énergétique. Le sénateur écologiste Ronan Dantec estime qu'il s'agit d'"un vote contre l'ouverture des débats sur la transition énergétique au nom d'un accord sur le tout nucléaire", faisant allusion à la position pro-nucléaire du PCF.
La CGT, qui se félicite de ce rejet, considère que le texte révise "fondamentalement les tarifs de l'électricité de manière complexe et injuste tout en introduisant des critères dangereux pour la solidarité nationale et les tarifs régulés". Les tarifs de l'énergie, les économies d'énergie et l'efficacité énergétique "doivent faire partie du débat et ne pas être réglés par avance, comme d'autres sujets, par une loi bâclée et inapplicable avant plusieurs années", ajoute la centrale syndicale.
Sur la même longueur d'onde, FO dénonce "un texte débattu à la hussarde qui porte atteinte à la péréquation tarifaire et aux principes de service public" et lance, menaçante, qu'"un passage en force du Gouvernement serait une grave erreur et le signe que le débat [ qu'il affirme] appeler de ses voeux sur l'énergie n'est en réalité qu'un simulacre de concertation".
Convocation d'une commission mixte paritaire
"Au vu des urgences, sociales et industrielles, pour répondre à la précarité énergétique et sauver les milliers d'emplois de la filière éolienne", le groupe écologiste du Sénat demande au Gouvernement "la relance d'une procédure permettant l'adoption rapide d'un texte à la hauteur de ces enjeux". Cela tombe bien : "Le Gouvernement est déterminé à faire aboutir ce texte", a réaffirmé Delphine Batho à l'issue du vote.
François Brottes s'est dit ouvert à des ajustements sur son texte, faisant, semble-t-il, allusion à une modification opérée par le Sénat sur la définition du volume de référence, à la base du calcul du bonus/malus énergie que ce projet souhaite instaurer.
Précisant ses intentions, la ministre de l'Ecologie a annoncé aujourd'hui que le Gouvernement allait demander la convocation d'une commission mixte paritaire, composée de sept sénateurs et sept députés, qui soumettra ses conclusions au vote des deux chambres. A défaut d'accord, le texte sera examiné en nouvelle lecture par les deux chambres, mais l'Assemblée, où la majorité gouvernementale est plus large qu'au Sénat, aura de toute manière le dernier mot.