En affichant de tels engagements, les pays du BASIC (Brésil, Afrique du Sud, Inde, Chine) coupent l'herbe sous les pieds des Occidentaux. Ils confirment les annonces qu'ils avaient déjà avancées lors de la conférence de Copenhague, mais, en retour, exigent des pays industrialisés des engagements contraignants, dans le cadre multilatéral onusien. Le ministre indien de l'environnement, Jairam Ramesh, l'a redit à New Delhi lors d'un sommet des pays du BASIC, le 24 janvier : les négociations devront se poursuivre sous la bannière des Nations unies. Chine, Inde, Afrique du Sud et Brésil réclament une réunion d'étape dès le mois de mars, et au moins cinq réunions préparatoires avant le sommet de Cancun (Mexique) en décembre.
De leur côté, les Occidentaux et leurs alliés russes et japonais affichent toujours les mêmes positions, sans aller plus loin. En moyenne, elles ne dépassent pas les -20% d'ici à 2020 par rapport à 1990, à l'exception notable de la Norvège, qui affiche toujours l'ambition de -30% de ses émissions d'ici à 2020 par rapport à 1990, et du Japon, avec une intention de -25% pour la même période. L'Union européenne campe sur ses -20%, -30% ''si les autres pays s'engagent à réaliser des efforts comparables'', bascule qui traduit l'irrésolution actuelle des Européens en matière de climat et de choix énergétiques. Les Etats-Unis attendent la validation du processus législatif interne pour confirmer leurs -17% par rapport à 2005. Le Canada s'est aligné sur le même objectif. L'Australie annonce une fourchette de -5% à -20% d'ici à 2020 par rapport à 2000. La Nouvelle Zélande de -10% à -20% d'ici à 2020.
Lors de la conférence de Copenhague, une note confidentielle du secrétariat de la Convention climat avait filtré. Sur la base de l'addition des intentions des uns et des autres, ce mémo avait mis en évidence deux constats embarrassants. Le premier montrait que la somme des engagements des pays de l'annexe II était supérieure à celle des pays de l'annexe I. Le deuxième comparait le total des engagements au scénario de l'Agence internationale de l'énergie dans son rapport, le World Energy Outlook de 2009. Selon ce rapport, les émissions globales devraient être plafonnées à 44 gigatonnes de CO2 équivalent d'ici à 2020 pour assurer les préconisations du GIEC et plafonner la hausse de la température globale à + 2°C. Sur la base des annonces confirmées le 31 janvier, il resterait un surplus de 1,9 à 4,2 Gt de CO2 équivalent dans l'atmosphère. Selon la note confidentielle du Secrétariat de l'UNFCCC (datée du 15 décembre 2009) 1, ces engagements ne pourraient pas produire l'inflexion nécessaire des émissions d'ici à 2020 et mettraient l'atmosphère sur la voie d'une concentration de carbone élevée, égale ou supérieure à 550 ppm, mettant la planète sur une trajectoire de réchauffement de 3°C minimum.
A ce risque de dérive du réchauffement global s'ajoute une incertitude à plus court terme, qui porte sur l'issue juridique de l'accord de Copenhague. Une boîte de Pandore s'est ouverte, qui permet aux Etats de se dégager des contraintes de Kyoto en se rabattant sur des engagements volontaires a minima. L'acquiescement de la plupart des pays développés à cette dilution du processus onusien multilatéral laisse penser que Copenhague aura été autant un échec qu'une opportunité inavouable : celle de s'affranchir de l'arbitrage des Nations unies et de tout accord contraignant en matière de climat. Et par là même, de remplacer les actes politiques auxquels la science et la précaution incitent, par de la rhétorique.