Les deux projets de décrets relatifs au complément de rémunération pour les énergies renouvelables, présentés le 11 septembre dernier par le ministère de l'Ecologie, ont été étudiés en détail par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) comme le veut la procédure. Dans son avis rendu public le 9 décembre (1) , la CRE pointe une nouvelle fois le risque de hausse des charges de service public de l'électricité au regard du dispositif choisi. Ainsi, concernant le premier projet de décret relatif aux installations éligibles à l'obligation d'achat et au complément de rémunération, la CRE est défavorable à la coexistence de plusieurs mécanismes de soutien pour la filière éolien terrestre et en particulier au maintien des tarifs d'achat.
L'éolien trop privilégié
La CRE craint que les exploitants de parcs éoliens optent pour l'option qui permet la plus forte rémunération, occasionnant ainsi une augmentation des charges de service public de l'électricité "sans contrepartie". "Cette mesure est par ailleurs discriminatoire à l'encontre des autres filières éligibles au complément de rémunération", fait remarquer la CRE.
La filière éolienne est en effet favorisée puisqu'elle n'est pas concernée par l'entrée en vigueur des nouvelles lignes directrices de l'UE en matière d'aides d'Etat à l'énergie. Ce sont ces règles qui imposent aujourd'hui une remise à plat du dispositif de soutien et la mise en place d'instruments plus proches du marché. Pour la CRE, la filière éolienne terrestre doit au plus vite se confronter au fonctionnement des marchés de l'électricité puisque de nombreux contrats d'achat vont arriver à échéance dans les prochaines années : "Les producteurs éoliens doivent acquérir les compétences nécessaires à la poursuite de l'exploitation de leurs parcs dans un cadre non subventionné (…). La puissance installée et le rythme de développement attendu de cette filière, de l'ordre de 1.000 MW par an, justifient que lui soient pleinement appliquées, dès à présent, les modalités du complément de rémunération", ajoute la CRE. Elle plébiscite pour l'éolien terrestre des contrats de complément de rémunération conclus dans le cadre d'appels d'offres.
Concernant les zones non interconnectées, toutes énergies confondus, la CRE recommande le recours systématique à des appels d'offres et non à des tarifs d'achat comme le prévoit le projet de décret. "L'hétérogénéité des coûts et la diversité des conditions d'exploitation (gisements disponibles, approvisionnement, etc.) de ces zones rendent délicat l'exercice de détermination d'un tarif d'achat par les pouvoirs publics et multiplient les risques de rentabilité excessive", argumente-t-elle. La CRE accorde une exception aux installations photovoltaïques de petite puissante pour lesquelles une "relative homogénéité technico-économique" et un rythme de développement justifient leur éligibilité au tarif d'obligation d'achat.
Un dispositif à améliorer
Le second décret qui détaille les modalités du dispositif contient là aussi des "imperfections". La CRE ne veut pas notamment que les producteurs d'EnR puissent revenir à un contrat d'achat s'ils l'ont quitté pour le complément de rémunération. Pour les mêmes raisons que le cas de l'éolien, la CRE estime que ce choix permet aux exploitants de choisir le mécanisme le plus rémunérateur, "et donc le plus coûteux du point de vue des charges de service public de l'électricité".
La notion de dégressivité est également critiquée par la commission. La formule de calcul du complément de rémunération proposée contient un coefficient qui permet de revoir à la baisse la rémunération tout au long de la durée du contrat. "Une complexité supplémentaire" inutile selon la CRE.
Par ailleurs, la CRE s'interroge sur la question des garanties d'origine. Le projet de décret prévoit que les producteurs bénéficiant du complément de rémunération ne peuvent pas demander l'émission de garanties d'origine pour leur production. La CRE craint que cette mesure soit contraire à la directive 2009/28/CE relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables. Elle fait remarquer d'autre part, que cette interdiction restreint les possibilités de valorisation de l'électricité produite par ces installations. "En l'absence de garanties d'origine, sa traçabilité ne peut en effet plus être assurée, et elle ne peut par conséquent pas être valorisée sur le marché de détail dans le cadre d'offres « vertes »", note la CRE.
Après être passé entre les mains de la CRE et du Conseil supérieur de l'énergie, le projet de décret a été transmis à la Commission européenne pour notification comme le prévoit la procédure des aides d'état. Il doit être publié avant le 31 décembre prochain pour une entrée en vigueur le 1er janvier 2016. Des arrêtés spécifiques à chaque filière l'accompagneront.