Le problème des politiques éoliennes, c'est qu'elles ne tiennent pas compte du contexte social dans lequel elles s'inscrivent. Parce qu'elle réduisent l'espace au gisement, elles tournent le dos aux territoires. Par leur surdimensionnement, rendu obligatoire par un empilement de normes, les éoliennes sont souvent hors d'échelle. Du coup, la question de la « gouvernance » de l'éolien reste ouverte. La loi POPE d'orientation de la politique énergétique de la France de 2005 conditionne les tarifs d'achat aux Zones de développement éolien (ZDE), mais par qui sont établis ces zonages ? Par les communes, mais ce sont les préfectures qui tranchent, c'est-à-dire l'Etat. Ce qui explique bien des oppositions locales. Face à une politique publique à fort versant libéral, les maires et les associations locales ont le sentiment que les décisions leur échappent.
Logique des méga réseaux
Ce qui se joue avec l'éolien, c'est l'appropriation de l'espace et du paysage, sans débat préalable. Le paysage, c'est ce qui reste de commun, d'où l'hypersensibilité des réactions suscitées par l'implantation d'éoliennes. Au final, c'est l'ensemble de la filière qui en pâtit. Or par sa forme décentralisée et adaptée à une géographie spécifique, l'éolien devrait pouvoir pleinement s'inscrire dans des choix locaux. C'est là la contradiction du débat actuel : malgré les efforts de décentralisation des zonages, les choix énergétiques restent vécus comme imposés, même dans le cas d'énergies de proximité telles que l'éolien. Les développeurs procèdent par photomontage. Les administrations, quand elles reçoivent les dossiers, n'ont pas forcément l'opportunité d'aller sur le terrain. Il ne suffit pas qu'une installation soit conforme pour qu'elle soit ressentie comme compatible avec l'organisation socio-spatiale d'un lieu. Ce rejet paysager devrait être accentué par les dernières préconisations de la mission d'information parlementaire sur l'énergie éolienne, qui encourage le surdimensionnement des futurs parcs éoliens : cinq mâts ou 15 à 20 MW au minimum. Raphaël Claustre, directeur du Comité de liaison des énergies renouvelables (Cler) y voit '' une contrainte absurde. Un bon parc, ce n'est pas un grand parc, c'est un parc adapté à son territoire. Aux élus locaux de voir ce qui est le plus pertinent dans leur zone ''.
L'inscription dans le Grenelle II des Schémas régionaux de l'air et de l'énergie et du climat (SRAEC), mis en œuvre conjointement par les préfectures de région et les Conseils régionaux, devrait donner le coup d'envoi aux énergies décentralisées. La vraie question est celle de l'émergence d'une nouvelle citoyenneté énergétique. Pour que cette nouvelle forme de citoyenneté puisse s'affirmer, il y a urgence à clarifier les compétences des collectivités locales afin de lever les blocages administratifs, voire culturels. L'enjeu est le passage d'un méga système énergétique façonné par les grands réseaux électronucléaires, à des réseaux décentralisés favorisant les territoires à énergie positive, ces collectivités qui décident de devenir elles-mêmes productrices d'électricité, en impliquant les habitants. L'éolien participatif ? Même si tout semble fait pour lui mettre des bâtons dans les roues, '' on commence à y arriver grâce à des initiatives comme Enercoop, Eoliennes en Pays de Villaine, et à des financeurs comme la NEF '', selon Raphaël Claustre. Au rythme actuel, le chemin sera long.