L'OCDE a fait part à son tour de ses inquiétudes à l'occasion d'une table ronde sur le développement durable regroupant des délégués des pays membres et non membres et des représentants d'organisations internationales, de la société civile et du secteur privé.
L'organisation confirme ainsi le fait que l'engouement pour les récoltes énergétiques menace d'engendrer un manque de nourriture et d'endommager la biodiversité tout en ayant des avantages limités pour le climat. Techniquement, une production d'agrocarburants équivalant à 13% de la demande totale en combustibles liquides dans le secteur des transports, a été jugée possible d'ici 2050 mais une expansion à cette échelle ne pourra pas être réalisée sans impacts significatifs sur l'économie globale. L'OCDE est catégorique : n'importe quel transfert de terre de la production de nourriture vers la production de biomasse énergétique influencera à la hausse les prix des denrées alimentaires. La croissance rapide de l'industrie des agrocarburants est donc susceptible de maintenir des prix élevés et en augmentation au moins tout au long de la prochaine décennie.
La croissance de l'industrie des agrocarburants est également susceptible d'augmenter la pression sur l'environnement et la biodiversité. L'OCDE estime que parmi les technologies actuelles, seuls les agrocarburants produit à partir de canne à sucre, de cellulose, de graisses animales et d'huile de cuisine usagée peuvent sensiblement réduire les gaz à effet de serre (GES) comparativement à l'essence et au diesel. Les autres techniques de production peuvent théoriquement entraîner une réduction de 40% des émissions de GES mais lorsqu'on prend en compte l'acidification des sols, l'utilisation d'engrais, la perte de biodiversité et la toxicité des pesticides, les incidences globales de l'éthanol et du biodiesel sur l'environnement excédent rapidement celles de l'essence et du diesel. Selon l'OCDE, une part de marché des agrocarburants de 13% d'ici 2050 représenterait une réduction des GES du secteur des transports de 3% qui serait très vite annulée par une augmentation des besoins de carburants pour les transports : étant donné la croissance prévue de la demande des carburants de transport, [les agrocarburants] ne réduiront pas la consommation globale de pétrole mais modéreront seulement la croissance de la demande. L'OCDE rappelle également que contrairement à ce qui est souvent avancé, le coût de production des agrocarburants ne baissera pas avec l'augmentation du prix des carburants fossiles puisque ces derniers sont nécessaires à la production de bioéthanol et de biodiesel.
Malgré tout, le secteur des agrocarburants continu d'être encouragé avec l'idée que la seconde génération d'agrocarburants qui utilisera toutes les parties de la plante et non seulement les huiles, seront plus rentables sur les plans économique et environnemental. Mais là encore, l'OCDE craint que la technologie ne soit pas économiquement viable : Même avec des développements technologiques positifs il y a des doutes sérieux au sujet de la possibilité d'utiliser des résidus agricoles comme biomasse sur une grande échelle.
Par ailleurs, dans son analyse, l'OCDE estime que les politiques de soutien aux biocarburants sont inefficaces et coûteuses. Dans la plupart des cas, elles ne distinguent pas les agrocarburants selon leurs matières de base ou leurs méthodes de production, en dépit des différences importantes qui existent en termes de coûts et d'avantages environnementaux. Au final, les gouvernements risquent de soutenir un carburant qui est plus cher et a des incidences environnementales négatives plus élevées que son produit pétrolier correspondant. Concernant leur coût élevé, l'OCDE illustre simplement son propos en rappelant que la réduction d'une tonne de GES aux États-Unis à partir de maïs coûte environ 500$ soit environ 360€. Par comparaison, le GIEC estime que la technique du piégeage et de stockage du carbone pourrait coûter selon les centrales concernées entre 40$ et 270€ la tonne évitée.
C'est pourquoi l'OCDE demande aux pays de supprimer leurs aides aux agrocarburants, de mettre en place un réel marché sans concurrence faussée et de réfléchir à des taxes sur les émissions de carbone. L'éthanol produit à partir de canne à sucre au Brésil est de loin le plus rentable. L'Amérique du sud et l'Afrique ont un grand potentiel de production d'agrocarburants alors que la production en Amérique du nord et en Europe n'a pas un potentiel suffisant à long terme pour atteindre les objectifs de production prévus. Selon l'OCDE, il faut libéraliser les échanges et améliorer les occasions d'exportation pour les pays en voie de développement vers les pays industrialisés et en parallèle les aider à employer la biomasse pour produire leur propre électricité. L'organisation recommande également d'accentuer la recherche sur les agrocarburants de seconde génération et invite l'OMC à travailler sur une certification homogène et globale des agrocarburants.
Les analyses de l'OCDE ont reçu le soutien de la fédération France Nature Environnement (FNE) même si certaines propositions ne font pas l'unanimité. La fédération soutient le fait de taxer les émissions de gaz à effet de serre plutôt que de subventionner la production d'agrocarburants et de mieux évaluer les conséquences de leur production. La FNE craint en revanche que l'importation d'éthanol du Brésil ou d'Indonésie ait des conséquences environnementales catastrophiques pour ces pays. Sur ce plan, la FNE s'oppose donc fermement à la proposition du rapport consistant à réduire les droits de douane sur les agrocarburants ce qui risque selon elle d'encourager leur production par les pays en développement. La FNE rappelle enfin de ne pas perdre de vue l'essentiel : la réponse au défi climatique ne pourra se faire sans repenser nos modes de transports et de consommation, et prône la sobriété énergétique.