© S. Morin
Un cycle de l'azote mieux quantifié
Sous les latitudes européennes, les oxydes d'azote sont émis par des phénomènes naturels comme les feux de forets et les éclairs mais également par les activités humaines : émissions automobiles et activités industrielles (incinération, centrale thermique, etc). Ces gaz polluants interagissent avec d'autres émis par les activités humaines comme les composés organiques volatiles et provoquent la formation d'ozone dans les grandes agglomérations. Ils sont également oxydés en nitrate qui s'incorpore dans les particules de l'atmosphère et voyagent ainsi au travers des courants atmosphériques vers les pôles.
Grâce à des études antérieures, les scientifiques du CNRS ont appris que dans l'Arctique, le nitrate se dépose sur le manteau neigeux et est ainsi incorporé dans la neige. Au printemps, dès les premiers rayons de soleil, ce nitrate est transformé en oxyde d'azote qui repasse dans l'atmosphère conduisant à des perturbations de la chimie atmosphérique arctique.
Grâce à de nouvelles études, les équipes de recherche du CNRS ont réussi à quantifier ce phénomène. En mesurant la composition isotopique de l'azote et de l'oxygène du nitrate atmosphérique collecté dans l'Arctique canadien (station Alert, Nunavut), les chercheurs ont démontré que près d'un tiers du nitrate atmosphérique arctique provient des émissions d'oxydes d'azote par le manteau neigeux, le reste provient directement du transport atmosphérique depuis les moyennes latitudes.
Les chercheurs révèlent également que ces oxydes d'azote interagissent avec des composés halogénés et notamment les radicaux BrO contenus dans le sel de mer et émis par l'océan via l'interface que constitue la banquise. Les NOx transforment le BrO en brome libre qui réagit à son tour avec l'ozone et le détruit.
Un cocktail chimique complexe
Cette dernière étude publiée dans la revue Science du 31 octobre* vient compléter une série de recherches menées depuis plusieurs années sur le manteau neigeux de l'Arctique. Outre les oxydes d'azote, la neige libère d'autres polluants et constitue par conséquent un véritable cocktail chimique. Selon une étude réalisée en 2003 au sein de l'université Joseph Fourier le mercure fait partie de ces toxiques. Pendant l'hiver, la neige qui se dépose au sol stocke le mercure provenant de l'atmosphère. Au début du printemps, 20 % du mercure stocké retournent à l'atmosphère grâce à l'action du rayonnement solaire et les 80 % restants sont incorporés en très peu de temps dans les eaux de fonte. Dans la région étudiée située près d'un village inuit dans le nord du Canada et grande comme la France, ce sont 400 à 700 kg de mercure qui se retrouvent en une semaine dans l'environnement. Cette intrusion brusque et massive d'un polluant capable de s'accumuler dans la chaîne alimentaire aurait des conséquences importantes sur l'empoisonnement des écosystèmes arctiques et des populations locales qui se nourrissent des produits de la mer.
*Référence de l'étude : Morin, S., Savarino, J., Frey, M.M., Yan, N., Bekki, S., Bottenheim, J.W., Martins, J.M.F. Tracing sources and sinks of NOx in the Arctic atmosphere using stable isotopes in nitrate, Science, 31 octobre 2008.