Outils de la « transition juste », mais également grandes sources de tension, les solutions trouvées en termes de financements climat représenteront l'un des curseurs importants de la réussite ou de l'échec de cette COP 28 en cours à Dubaï. Pour de nombreux pays en développement, le déblocage de fonds supplémentaires représente en effet la condition indispensable de leur action. « Sans financements suffisants, nous ne pourront pas avancer », résumait ainsi le représentant de la Zambie, en réunion plénière, vendredi 8 décembre. Des vies sont en jeu, alertait aussi l'émissaire des Îles Marshall, territoire particulièrement exposé à l'élévation du niveau des mers.
À ce jour, les pays disposent d'une demi-douzaine de fonds différents, dont un destiné aux pays les moins avancés et, le plus gros, le Fonds vert pour le climat. Ce « navire amiral » et multidestination de l'Organisation des Nations unies (ONU) a été recapitalisé cette année de 13 milliards de dollars, dont 1,7 milliard en provenance de la France et 3 milliards des États-Unis. Une générosité plutôt inhabituelle outre-Atlantique, mais néanmoins soumise au vote d'un Congrès généralement hostile à ce type de démarche.
Dans ce panel, on trouve également le Fonds consacré à l'adaptation qui peine, pour sa part, à trouver des contributeurs. La Conférence de Glasgow, en 2022, avait prévu un doublement de son enveloppe, en la faisant passer de 20 milliards à 40 milliardsde dollars. Mais les versements en sa faveur sont en baisse et, à Dubaï, cette année, il n'aura guère récolté que 133,6 millions.
Les fonds nouveaux sont arrivés
Rendu opérationnel dès le début de la conférence, le Fonds pour les pertes et dommages bénéficie désormais d'une enveloppe de 726 millions de dollars. De leur côté, les Émirats arabes unis ont annoncé le lancement d'un fonds de 30 milliards, Altérra, visant à mobiliser 250 milliards supplémentaires à l'échelle mondiale. « La plupart de ces fonds sont placés sous l'égide de l'ONU et favorisent un accès direct au niveau local. En général, ils sont aussi alimentés par des dons », indique Guillaume Compain, chargé de plaidoyer chez Oxfam France.
Des fonds pour le climat
- Le Fonds pour l'environnement mondial (FEM), dépendant de la Ccnucc.
- Le Fonds vert pour le climat : entité opérationnelle de la Ccnucc, est dirigé par un conseil de 24 membres à partc égalec entre pays développés et en développement. Il totalise un peu plus de 30 milliards de dollars.
- Le Fonds spécial pour le changement climatique administré par le FEM.
- Le Fonds pour les pays les moins avancés : également administré par le FEM, il a récolté 129,3 millions de dollars lors de cette COP.
- Le Fonds d'adaptation.
Les fameux 100 milliards de dollars par an promis par les pays développés, incluant ces divers fonds climat, ne se composeraient ainsi que de 20 milliards de dollars de dons. Le reste, dont 31,6 milliards octroyés par les banques multilatérales de développement (BMD), se transformera immanquablement en dettes. Or, 93 % des pays les plus vulnérables au changement climatique sont déjà surendettés. C'est le cas du Pakistan, par exemple, où le financement climatique basé sur des prêts après de graves inondations a laissé le pays encore plus démuni. « Quand un pays est confronté au changement climatique et à des problèmes d'adaptation, c'est très particulier de leur dire : "Vous n'êtes pas responsables, mais vous allez devoir emprunter", remarque Gaïa Febvre, responsable des politiques internationales au sein du Réseau Action Climat (RAC) . Cet argent-là ne va pas à l'éducation, ni à la santé. »
Un cadre plus clair est attendu
Les pays en développement ont par ailleurs du mal à trouver des soutiens pour leurs projets d'adaptation, peu attractifs aux yeux des investisseurs. Avec les associations environnementales, ils réclament donc un nouveau cadre, des définitions communes claires et une feuille de route en la matière, seuls susceptibles de rétablir la confiance des principaux intéressés. La diversité des informations fournies compromet la transparence, la prévisibilité et la mise en œuvre des financements, expliquent-ils. Cette reforme de l'architecture mondiale pourrait également impliquer une gouvernance plus démocratique afin, comme le précise Gaïa Febvre, « d'orienter les flux financiers plutôt du Nord vers le Sud que du Sud vers le Nord ».
Des engagements à étoffer
Elles soutiennent également la recherche de sources de financements « innovantes » : taxes sur les producteurs et vendeurs d'énergies fossiles, par exemple, ou sur les transports polluants. Outre la réorientation des subventions aux combustibles fossiles, les ONG y ajouteraient volontiers des taxes sur les super riches et sur les super profits des entreprises. « De quoi lever 1 000 milliards de dollars », souligne Guillaume Compain. Mais elles se méfient aussi de ces outils qui pourraient un peu trop détourner les États riches de leurs obligations en termes de justice climatique.
Le texte final pourrait exhorter les pays « avancés » à s'engager plus largement. Afin d'augmenter la base des contributeurs, les appels du pied vers la Chine et les pays du Golfe se font de plus en plus pressants. Un refus de ces derniers pourrait même devenir un point de blocage. L'enjeu est d'autant plus important que l'objectif des nouveaux « 100 milliards » devra être décidé lors de la prochaine COP, mais débattu dès cette année.
Ils seront quoi qu'il en soit très insuffisants : selon la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (Ccnucc), les besoins des pays en développement s'élèveraient entre 5 800 et 5 900 milliards de dollars pour la période pré-2030. D'ici cette date, 4 300 milliards devraient aussi être investis dans les énergies propres et quelque 200 milliards dans les solutions fondées sur la nature. Les flux financiers publics et privés actuels ne s'élèvent qu'à 200 milliards par an. Pour atteindre les objectifs en matière de climat, de biodiversité et de restauration, ce chiffre doit tripler d'ici à 2030 et quadrupler d'ici à 2050. Les subventions publiques et investissements défavorables à la nature, eux, s'élèvent à près de 7 000 milliards par an, environ 7 % du PIB mondial, estime l'ONU.