Jean-François Le Grand, Sénateur de la Manche (UMP), et Marie-Christine Blandin, Sénatrice du Nord (Vert), ont ainsi été invités à présenter hier les travaux du groupe de travail qu'ils président à savoir le groupe n°2 : « Préserver la biodiversité et les ressources naturelles ». Il semblerait globalement qu'à l'issue de quatre réunions de travail échelonnées en juillet et septembre le groupe ait bien débattu dans un climat démocratique malgré un calendrier violent. Les 50 membres se sont attelés à codifier une nouvelle société qui continuerait à vivre, à se développer, à organiser sa compétitivité mais dans des limites contraignantes pour ne pas franchir la « ligne rouge » qui mettrait en péril de manière irréversible l'équilibre des écosystèmes et par conséquent la survie de l'Homme dans ces écosystèmes. La définition de la biodiversité et la compréhension des impacts de son érosion ont été un préalable nécessaire aux débats tant le sujet est complexe : autant on perçoit bien l'impact et l'enjeu du réchauffement climatique autant l'impact de la biodiversité est un peu moins facile à saisir, c'est un peu plus diffus, c'est même dans certains esprits un peu confus, témoigne Jean-François Le Grand, président du groupe de travail. Cette première réflexion a d'ailleurs mis en évidence un premier constat : le manque de connaissance, de recherche, d'expertise sur ce sujet. Certains élus locaux voudraient bien faire plus mais ils manquent selon eux d'indicateurs. La diffusion et la vulgarisation de cette connaissance auprès de tous, initiés ou non ne sont pas non plus suffisantes. Certaines propositions pourraient ainsi concerner le programme télévisuel des chaînes publiques, la réhabilitation des sciences naturelles à l'école, l'intégration de la biodiversité dans les formations, la consultation d'experts avant tout projet d'aménagement du territoire, redéfinir les recherches de l'INRA, etc.
Les débats ont également mis en évidence un manque de cohérence avec d'autres domaines comme la fiscalité par exemple : selon Marie-Christine Blandin, nos impôts sont 10 fois plus, dans leurs impulsions, destructeurs sur l'environnement et la diversité que les quelques taxes et mesures incitatives qui favorisent la biodiversité. Cette situation est par exemple flagrante dans le cas des aides à l'investissement destinés à l'outre-mer qui peuvent être utilisées pour de nombreuses activités destructrices de la foret primaire et du milieu en général. Le projet de mine d'or en Guyane avec traitement dans le marais de Kaw a par exemple reçu un « carton rouge » de la part de tous les membres du groupe tellement il est dévastateur, explique la Sénatrice du Nord. Le groupe proposera donc de valoriser économiquement la biodiversité en basculant d'une fiscalité pénalisante vers une fiscalité permissive visant, autrement dit, à détaxer les actions exemplaires et à accentuer la reconnaissance des actions favorables à la biodiversité.
Ce manque de cohérence se ressent également entre les ministères, les institutions et les établissements publics qui parfois prennent des décisions contradictoires. La notion de « région écologique » ou d' « éco-région » pourrait permettre de mettre en relation tous les acteurs concernés et d'homogénéiser les politiques au niveau local. Il faudra également favoriser les lieux de discussions, de concertation et de débat localement afin que chaque acteur s'approprie les décisions au lieu de se les voir imposer. Au cours des réunions de travail, les ONG et les agriculteurs se sont ainsi entendus sur la notion de « trame verte » pour que le territoire ne soit pas parcellisé, qu'il puisse y avoir une continuité des territoires et que les espèces puissent migrer. Les collectivités territoriales pourraient être les garants de cette trame verte puisqu'elles sont en charge des actions d'aménagement du territoire.
Les discussions du groupe de travail ont également mis en évidence le besoin de trouver des indicateurs pour suivre en continu les politiques et les actions menées. L'introduction d'un « coefficient biodiversité » dans les actions d'aménagement du territoire est une solution envisagée. Mais ce coefficient ne sera pas une couche supplémentaire de protection comme on en a déjà un certain nombre mais une prise en compte d'une nécessité à protéger, rassure Jean-François Le Grand.
Par ailleurs, les participants ont réfléchi à la possibilité de transposer le principe de Natura 2000 à la mer et de prendre comme « mer laboratoire » la mer Méditerranée mais également de transposer cet outil dans les territoires et les départements d'outre-mer au sein desquels il n'est pas pour l'instant applicable.
À la suite de ce premier groupe de travail, Roger Guesnerie, président de l'Ecole d'économie de Paris et président du groupe de travail n'6 : « Promouvoir des modes de développement écologiques favorables à la compétitivité et à l'emploi » a également présenté les réflexions de son groupe. Malgré un démarrage un peu long face à la généralité du thème, plusieurs sujets de débat ont émergé notamment celui de la publicité responsable vivement porté par les ONG. L'information sur les produits écologiques et les indicateurs de développement durable ont également suscité de nombreuses propositions. Il est apparu que les indicateurs actuels sont archaïques : nous ne mesurons pas le bonheur national brut mais seulement le produit national brut et il faudra essayer de faire un peu mieux, explique Roger Guesnerie.
Trois thèmes de réflexion plus récemment mis en évidence concernent certains secteurs notamment le développement des éco-technologies et la promotion des éco-entreprises, la réduction des impacts économiques et environnementaux de la production de déchets en interaction avec le groupe n°3 dédié à un environnement respectueux de la santé, et les transports en interaction avec le groupe n°1 dédié à la lutte contre les changements climatiques et la maîtrise de l'énergie. Mais la réflexion a très vite mis en évidence une question majeure : quel système devons-nous mettre en place pour ne pas pénaliser nos entreprises qui veulent faire des efforts alors que nous sommes dans une économie mondialisée ? En guise de piste de réflexion, le groupe a travaillé sur la promotion d'une économie de fonctionnalité, autrement dit, passer d'une économie basée sur la vente de produits à une économie basée sur la vente d'un service sur la durée de vie du produit et limiter ainsi la course effrénée à la consommation.
Enfin, le groupe n°6 travaille de concert avec le groupe n°1 sur la fiscalité écologique et comment substituer la fiscalité carbone à la fiscalité travail.
Mais pour l'instant tous ces sujets sont encore en débat et les propositions n'ont pas encore été clairement définies. L'Assemblée nationale prévoit d'auditionner les quatre autres groupes de travail dans les semaines à venir avant qu'ils ne rendent leur copie le 26 septembre prochain. Suivront jusqu'au 15 octobre, une consultation sur Internet, une consultation des partis politiques et une présentation des propositions dans les régions à travers des réunions locales. Après cette date, en revanche rien n'est fixé. La façon dont les propositions seront intégrées et mises en œuvre par le gouvernement n'a pas encore été précisée. D'ailleurs les associations environnementales représentées par l'Alliance pour la Planète, la Fondation Nicolas Hulot et France Nature Environnement ont envoyé une lettre ouverte au Ministre de l'Ecologie, du Développement et de l'Aménagement Durable, Jean-Louis Borloo en lui demandant qu'il précise rapidement ces modalités. Selon le sénateur Jean-François Le Grand, on s'oriente vers une hiérarchisation des propositions pour une mise en œuvre progressive avec pour certaines une transformation législative.