La Commission européenne a ouvert ce jeudi 8 novembre une enquête anti-subventions visant les importations de panneaux solaires chinois et leurs composants essentiels (les piles et wafers solaires), a-t-elle annoncé dans un communiqué. Cette nouvelle enquête a été lancée à la suite d'une plainte du groupement d'entreprises européennes EU ProSun déposée le 25 septembre dernier, accusant le gouvernement chinois de "subventionner illégalement ses industriels du solaire". Elle intervient deux mois après le lancement par Bruxelles d'une enquête sur les pratiques commerciales de fabricants chinois de panneaux photovoltaïques, à la suite d'une première plainte d'EU ProSun les jugeant "déloyales".
La filière solaire européenne estime que les "subventions massives" du gouvernement chinois aux exportations auraient conduit "à une surcapacité supérieure à 20 fois la consommation chinoise" et près du double de la demande mondiale, entraînant un impact sur les prix ne permettant pas aux concurrents occidentaux "de dégager des bénéfices". EU ProSun pointe notamment "des taux d'intérêts très faibles" qui seraient proposés par les banques chinoises aux fabricants du secteur. "Les banques d'Etat chinoises ont investi de l'argent dans des entreprises qui auraient dû être déclarées en faillite, mais qui, malgré tout, ont inondé le marché européen avec des produits solaires relevant de pratiques de dumping. Une banque parmi d'autres, The China Development Bank, a octroyé 33 milliards d'euros de lignes de crédits à 12 entreprises chinoises du secteur solaire, depuis 2010. Des villes chinoises telles que Wuxi ont soutenu à coups de milliards d'euros des fabricants solaires locaux essuyant des pertes considérables, afin qu'ils puissent continuer à exporter en Europe", selon Milan Nitzschke, Président d'EU ProSun.
Plus "importante" plainte anti-subventions
De son côté, la Commission européenne précise qu'il s'agit "de la plus importante plainte anti-subventions qu'elle ait reçue à ce jour au regard de la valeur des importations concernées". En 2011, la Chine a exporté pour 21 milliards d'euros de panneaux solaires et de composants de panneaux solaires vers l'UE, son premier marché, rappelle Bruxelles.
La Commission estime qu'EU ProSun a de nouveau "fourni suffisamment d'éléments démontrant l'existence de subventions qui seraient accordées par les autorités chinoises, d'un préjudice subi par l'industrie de l'Union, d'un lien de causalité possible entre les importations faisant l'objet des subventions et le préjudice subi par l'industrie de l'Union". Par conséquent, la Commission a constaté "qu'il existait des éléments de preuve suffisants à première vue pour justifier l'ouverture d'une enquête".
Sur la base des informations recueillies issues de questionnaires envoyés aux parties intéressées (autorités chinoises, producteurs-exportateurs, importateurs, associations), la Commission établira si subventions il y a et si le préjudice allégué est dû aux importations faisant l'objet de ces subventions.
Vers l'instauration des droits douaniers compensateurs ?
La Commission publiera les conclusions provisoires de l'enquête dans neuf mois soit le 5 août 2013. Elle pourrait à cette date clore la procédure ou imposer des droits de douane compensateurs provisoires (une période de quatre mois) en cas de preuves de subventions préjudiciables au secteur européen. Des droits compensateurs définitifs (pour une durée de cinq ans) pourraient être pris d'ici le 5 décembre 2013 par les Etats membres de l'UE. A cette échéance, dans le cadre de son enquête antidumping visant les fabricants chinois, l'UE pourrait également prendre, à l'instar des USA, des mesures de rétorsion à leur encontre, en cas de pratiques commerciales déloyales constatées.
Pour Milan Nitzschke, Président d'EU ProSun qui s'est félicité de l'enquête de la Commission : "C'est décisif et très significatif que la lueur d'espoir provenant de Bruxelles pour la survie de l'industrie solaire européenne intervienne un jour après le signal clair de l'administration Obama, affirmant que les Etats-Unis ne toléreraient plus une concurrence déloyale de la part de la Chine dans le secteur solaire. Après les nombreuses preuves relevées par l'enquête américaine selon lesquelles la Chine est coupable d'octroyer d'importantes subventions illégales, nous avons une entière confiance dans l'Union Européenne pour imposer rapidement des droits de douanes compensateurs substantiels'', plaide-t-il. Le Département du Commerce américain a proposé en octobre des droits de douane anti-subventions et anti-dumping de "24% à plus de 250%" sur leurs importations de panneaux solaires chinois.
En revanche, l'autre organisation regroupant des entreprises européennes du secteur photovoltaïque, l'Alliance pour une énergie solaire abordable (Afase), qui "promeut les bénéfices du libre-échange" pour les produits de l'énergie solaire, a appelé l'UE à renoncer à instaurer ces droits compensateurs. "Tout tarif douanier imposé augmenterait les prix des produits solaires, affaiblissant ainsi l'industrie solaire européenne", a déclaré dans un communiqué Thorsten Preugschas, directeur général de l'entreprise allemande Soventix membre de l'Afase. "Les petites et moyennes entreprises, en particulier, souffriraient des conséquences de l'instauration de tarifs punitifs", a-t-il averti en ajoutant que "des milliers d'emplois européens en pâtiraient".
Quatre procédures antisubventions ont déjà été ouvertes par Bruxelles à l'encontre de la Chine, tous secteurs confondus, les importations de papier fin couché faisant l'objet de droits compensateurs.
Riposte de Pékin
De son côté, le gouvernement chinois n'envisage pas d'en rester là alors qu'il exporte 80% de ses panneaux solaires vers l'UE. La Chine a d'ores et déjà contre-attaqué en déposant dès lundi 5 novembre une plainte devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC) contre l'Union européenne, qu'elle accuse à son tour de soutenir illégalement ses industriels du solaire par des subventions des Länder en Allemagne et des prêts préférentiels de la Banque européenne.