Directeur général adjoint chargé de la sûreté à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)
Actu-environnement : Pourquoi l'annonce du retrait des assemblages de combustible usé de la piscine du réacteur 4 constitue une bonne nouvelle ?
Thierry Charles : Lors du séisme et du tsunami de mars 2011, les réacteurs 1, 2 et 3 de la centrale de Fukushima Daiichi étaient en fonctionnement, alors que le réacteur 4 était déchargé et son combustible usé se trouvait dans la piscine de désactivation située en partie haute du bâtiment réacteur. Cette piscine contenait donc une grande quantité de combustible usé, de l'ordre de 1.300 assemblages, qui dégageait beaucoup de chaleur. Le bâtiment supportant la piscine ayant été endommagé par les explosions d'hydrogène lors de l'accident, il y avait urgence à la vider.
Aujourd'hui, Tepco annonce qu'il n'y a plus de combustible usé dans cette piscine. Au plus, il ne reste que des combustibles neufs, il y en avait environ 200 en mars 2011, qui ne posent pas de problèmes thermiques puisqu'ils n'ont pas été utilisés. Il n'y a donc plus de risque si l'étanchéité de la piscine était mise en cause en cas de séisme important.
Pour parvenir à ce résultat, Tepco a tout d'abord renforcé la piscine afin qu'elle ait un meilleur comportement en cas de séisme. L'entreprise a ensuite construit un bâtiment de déchargement qui ne s'appuie pas sur le bâtiment endommagé pour éviter tout risque de dégradation, en vue de transférer les combustibles vers la piscine du site.
Le transfert des assemblages de combustible usé à proprement parler a débuté en novembre 2013 et a duré un an, comme initialement prévu. Pour déplacer les assemblages, Tepco a utilisé un "château", c'est-à-dire un emballage de transport de matières radioactives permettant d'assurer le confinement et la protection radiologique. Le château devait être introduit dans la piscine pour que les assemblages puissent y être placés sans être dénoyés avant leur déplacement. L'opération était délicate car le château contenait 22 assemblages à chaque mouvement, pour un poids total d'environ 100 tonnes. L'opération a été répétée une soixantaine de fois au cours de l'année écoulée. C'est une très bonne nouvelle que tout se soit déroulé comme prévu.
AE : Quelles sont les prochaines étapes du retrait du combustible usé présent dans les autres piscines ?
TC : Concernant le combustible usé encore présent dans les bâtiments accidentés, la suite des opérations prévoit le transvasement des assemblages stockés dans les piscines des réacteurs 1, 2 et 3. Ces réacteurs étant chargés lors de l'accident, les piscines contiennent moins de combustibles usés. Il y a quelque 1.600 assemblages de combustible à déplacer, soit légèrement plus que ce que contenait à elle seule la piscine du réacteur 4. De plus, les bâtiments des réacteurs 1 et 3 ont été endommagés, mais pas celui du réacteur 2.
Compte tenu des dégâts, l'urgence est maintenant de transférer le combustible de la piscine du réacteur 3. Tepco annonce le début de l'opération pour courant 2015. Le retrait des combustibles présents dans les trois piscines devrait être achevé en 2019, selon les prévisions de Tepco.
AE : Quels sont les autres enjeux clés du démantèlement de la centrale ?
TC : Au-delà de la question des piscines et des combustibles qu'elles contiennent, l'opérateur de la centrale doit faire face à deux enjeux majeurs. Il s'agit tout d'abord des cœurs de réacteur fondus dans les unités 1, 2 et 3. Leur retrait est une question très complexe et Tepco annonce pour l'instant vouloir débuter l'opération en 2021.
L'autre enjeu concerne les eaux de refroidissement des trois cœurs fondus. Les installations ayant souffert, l'étanchéité des bâtiments n'est plus assurée ce qui entraîne des fuites locales d'eau contaminée et des entrées d'eau de la nappe dans les bâtiments. Tepco injecte ainsi quotidiennement 350 m3 d'eau dans les cœurs à refroidir et extrait environ le double des bâtiments du fait des entrées d'eau de nappe ; ces entrées d'eau sont en effet privilégiées pour permettre de maîtriser les fuites vers les sols. L'eau contaminée est ensuite traitée puis stockée. Pour donner une idée du problème, chaque semaine, il faut stocker l'équivalent d'une piscine olympique.