Président de FEE, DG de Vestas France
Actu-Environnement : quelle est la situation de l'éolien en France ?
Nicolas Wolff : En 2010, nous devrions avoir une croissance relativement soutenue du parc français. Il passera de 4,4 GW de puissance installée en début d'année à 5,6 GW, ce qui portera à 3.500 le nombre de machines sur le territoire. Quant à l'emploi, le secteur représente 11.000 emplois (1) en France.
AE : Comment jugez-vous le dialogue avec l'Etat dans le prolongement du Grenelle et des objectifs de développement du parc éolien français ?
NW : L'objectif Grenelle II est au minimum de 500 mats par an. À nos yeux, cet objectif est positif et permet de soutenir la filière française. Néanmoins, les discussions avec le gouvernement ne sont pas toujours simples. Alors que la France vise un objectif ambitieux, de l'ordre de 25 GW de puissance installée en 2020, l'instabilité de la réglementation ralentit grandement les nouvelles implantations de parcs éoliens.
AE : Le dialogue est-il bien amorcé au niveau local ?
NW : Localement, la mise en route des mesures du Grenelle se passent plus ou moins bien selon les régions et les départements. Les régions, par exemple, doivent établir d'ici à l'été 2011 leur Schéma régional climat air énergie. Dans ce cadre elles définissent les zones propices à l'éolien. Pour l'instant, certaines n'ont pas encore débuté ce travail. D'autres, telles que les régions Champagne-Ardenne ou Provence-Alpes-Côte d'Azur, ont défini des zones d'exclusion trop vastes qui freineront le développement de l'éolien. Quant aux départements, chargés de définir les Zones de développement de l'éolien (ZDE), ils ont arrêté tous leurs travaux en 2010. Ils attendent une circulaire officielle pour achever la sélection des zones.
AE : S'agissant de l'éolien offshore, que pensez-vous du retard pris par l'appel d'offre pour les futurs parcs ?
NW : En l'état nous ne nous attendons pas à ce que les zones propices au développement de l'éolien offshore soient validées avant le début de l'année 2011. La situation est bloquée et le gouvernement semble même hésiter à lancer l'appel d'offre. Le problème n'est pas forcément lié à l'opposition des pêcheurs, mais plutôt a des arbitrages ministériels, suite au dernier remaniement, qui pourraient remettre en cause les deux appels d'offre de 3 GW. Une des craintes du gouvernement est que les appels d'offre se concrétisent par des importations et bénéficient aux opérateurs étrangers. C'est une erreur car nombres d'éléments ne pouvant êtres transportés seront construits en France. Le gouvernement n'arrive pas à se lancer et nous risquons de perdre une nouvelle opportunité.
AE : L'an dernier, l'inscription des parcs éoliens sous le régime ICPE, les installations classées pour la protection de l'environnement, a fait grand bruit. Quel regard portez-vous aujourd'hui sur cette mesure ?
NW : On s'est effectivement battu contre cette mesure, mais aujourd'hui nous faisons avec. Le régime IPCE implique un travail plus important en amont des projets. Par exemple nous devons réaliser une concertation et des études d'impact avant de déposer la demande de permis construire. Ces étapes existaient déjà, mais le fait de les réaliser très tôt conduit à une approche plus administrative en début de projet. Nous nous demandons parfois si le gouvernement cherche réellement à soutenir la création d'une filière française qu'il appelle pourtant de ses vœux. Cependant, nous avons tourné la page et nous nous concentrons sur d'autres problèmes émergents.
AE : Quels problèmes en particulier ?
NW : Le gouvernement a une position ambivalente : d'un côté il affiche des objectifs ambitieux et de l'autre on assiste à la mise en place d'un cadre juridique de plus en plus contraignant. Il y a, par exemple, la mise en place d'une provision financière de 50.000 euros par éolienne afin de couvrir les coûts de démantèlement en fin de vie. C'est intolérable, nous serions la seule industrie en France à se voir imposer une telle règle. Il y a aussi l'évolution de la fiscalité qui accroît fortement les charges supportées par les parcs. Le remplacement de la taxe professionnelle par l'Imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau porte la charge fiscale à 6.600 euros par MW, soit une hausse de 70%. Il y a aussi la mise en œuvre d'un plancher minimal de cinq machines par parc éolien, qui met en cause plus de 30% des projets dans l'ouest de la France pour des raisons liées aux paysages.
AE : Dans ce contexte, quelles sont les demandes de France énergie éolienne ?
NW : Nous demandons deux choses simples. Tout d'abord, nous souhaitons avoir une plateforme réglementaire stable. L'évolution permanente des règles associées aux fermes éolienne ne favorise pas le développement de la filière. Ensuite nous appelons de nos vœux une volonté politique pérenne. On ne peut pas planifier à l'horizon 2020 avec des orientations politiques changeantes.