Parallèlement à la présentation de sa proposition de politique climatique pour 2030 et de ses recommandations relatives à la fracturation hydraulique, la Commission européenne a présenté le 22 janvier une proposition de réforme du marché carbone européen.
Cette proposition de décision (1) , qui devra recevoir l'aval du Parlement et du Conseil pour entrer en vigueur, comporte deux éléments. Il s'agit tout d'abord, explique la Commission, "d'établir une réserve de stabilité du marché au début de la prochaine période d'échange de quotas d'émission du système d'échange de quotas d'émission de l'Union européenne (EU-ETS) en 2021". Le second élément consiste à accentuer le "facteur de réduction linéaire" du volume annuel de quotas alloués, c'est-à-dire accélérer la baisse automatique de l'allocation annuelle de quotas. Cette modification vise à adapter la législation européenne pour prendre en compte l'objectif de 40% de réduction des émissions de CO2 à l'horizon 2030, annoncé le même jour.
En novembre 2012 (), Connie Hedegaard, membre de la Commission européenne en charge de l'action pour le climat, lançait une réforme de l'EU-ETS afin de remédier au déséquilibre croissant entre l'offre et la demande de quotas CO2, à l'origine de la chute des prix sur le marché carbone européen. A court terme, elle proposait une révision du calendrier des enchères afin de reporter la mise aux enchères de 900 millions de quotas d'émission alloués pour la troisième phase de l'EU-ETS qui s'étend de 2013 à 2020. A long terme, Connie Hedegaard soumettait un éventail de six mesures structurelles possibles. En l'occurrence, la création d'une réserve de quotas est la proposition finalement retenue.
Cette réforme répond à la chute du prix du carbone du fait de la crise économique et de la baisse des émissions qu'elle a engendrée. La Commission évalue à environ 2 milliards de quotas le surplus d'allocation sur le marché européen, du fait de cette chute de l'activité industrielle. Un surplus qui pourrait mettre "plus d'une décennie" à se résorber si aucun mécanisme n'est mis en place, prévient-elle.
Gérer automatiquement le volume de quotas
L'objectif de la réserve est de remédier au problème des excédents de quotas d'émission qui se sont constitués ces dernières années. Elle vise aussi à améliorer la résilience du système aux chocs importants impactant la demande, tels que la crise économique qui a fait chuter les émissions industrielles de CO2 et généré des surplus de quotas.
Face aux acteurs du marché qui craignent que la réforme de l'EU-ETS ouvre la voie à des interventions politiques lorsque le prix des quotas ne convient pas à l'exécutif européen, la Commission assure que la réserve de stabilité "fonctionnerait intégralement selon des règles prédéfinies qui ne laisseraient aucun pouvoir d'appréciation à la Commission ni aux Etats membres en ce qui concerne sa mise en œuvre".
Concrètement, le mécanisme proposé s'appuie sur le volume de quotas disponibles sur le marché. Ce volume est déterminé à partir de l'ensemble des quotas alloués entre 2008 et l'année n, auquel sont retranchés les quotas rendus par les industriels sur la même période pour couvrir leurs émissions de gaz à effet de serre. L'indicateur calculé pour l'année n devrait être publié au plus tard le 15 mai de l'année suivante.
La Commission propose qu'à partir de 2021, soient mis en réserve 12% des allocations en circulation au cours de l'année n-2. En revanche, si le total des quotas en circulation est inférieur à 400 millions, alors 100 millions seraient libérés automatiquement de la réserve pour être ajouté aux quotas mis aux enchères.
Reste que la Commission ne précise pas ce qu'il adviendrait si la réserve conserve un grand volume de quotas alors que le prix du carbone s'envole. Il serait alors tentant de puiser dans cette réserve pour augmenter l'offre sur le marché et faire baisser les prix. Les industriels assujettis à l'EU-ETS ne manqueraient probablement pas de réclamer une telle mesure.
Adapter les textes à l'objectif 2030
L'autre pilier de la réforme est le durcissement du "facteur de réduction linéaire" du volume annuel de quotas alloués. Depuis 2013, la législation européenne prévoit une réduction annuelle automatique de 1,74% du volume des quotas proposés au marché. Si la réforme est validée, la réduction serait portée à 2,2% par an à partir de 2021.
La Commission explique que cette seconde mesure permet de modifier le fonctionnement du marché carbone pour l'adapter à l'objectif de réduction des émissions de 40% d'ici 2030. "Ce changement devrait aider à résoudre le problème de déséquilibre du marché, mais, à lui seul, il n'est pas suffisant pour le régler", ajoute la Commission.
Enfin, la Commission s'engage à assurer la continuité "pour la décennie en cours" de la liste des secteurs industriels menacés par des "fuites carbone". Cette liste permet de protéger certains secteurs industriels soumis au marché carbone en leur allouant gratuitement des quotas. Les secteurs industriels sont inscrits à cette liste dès lors qu'ils sont effectivement menacés par des concurrents produisant en dehors de l'Union européenne sans être soumis à une contrainte carbone.