Le débat public (1) national sur la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) démarre ce lundi 19 mars. Il permettra au public et aux parties prenantes d'apporter leurs contributions sur la politique énergétique de la décennie à venir. Forum de discussion, cahiers d'acteurs, rencontres physiques, ateliers de controverse seront organisés jusqu'au 30 juin. Un panel de 400 citoyens sera constitué, d'ici fin avril. Il devra se prononcer sur les grandes options de la PPE et présentera ses conclusions lors d'une séance de clôture le 29 juin au Conseil économique, social et environnemental.
Pour rappel, la loi sur la transition énergétique prévoit, entre autres, de réduire d'ici 2030 les émissions de gaz à effet de serre de la France de 40% par rapport à 1990, la consommation d'énergie fossile de 30%, d'augmenter l'efficacité énergétique de 27% et de porter à 32% la consommation d'énergie d'origine renouvelable. Elle fixe également une réduction à 50% de la production d'électricité d'origine nucléaire en 2025. La PPE doit définir les priorités du gouvernement pour le système énergétique et identifier les moyens pour atteindre ces grands objectifs.
Comme pour le précédent exercice, la question du mix électrique est au centre des discussions. Le ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot, interrogé sur France 2 ce matin, a indiqué ne pas vouloir que le débat tourne seulement autour de la question du nucléaire. Cependant, le dossier (2) tel que constitué pose cet enjeu au centre. "Certains participants ont souligné que l'objectif de neutralité carbone ne doit pas être cherché au niveau du secteur électrique seul mais de l'ensemble des émissions de gaz à effet de serre françaises (…). [Dans un contexte de hausse des émissions de GES depuis 2017], le système électrique, qui apporte aujourd'hui une contribution essentielle à cet objectif, doit améliorer encore sa performance alors même qu'il doit faire l'objet, sur cette période, d'importants réinvestissements", justifie le gouvernement.
Des objectifs redéfinis en amont par le gouvernement
Alors que le débat doit permettre d'étudier les différentes options énergétiques, le gouvernement pourrait présenter prochainement un projet de loi modifiant ces grands objectifs. Il a déjà annoncé, par la voix de Nicolas Hulot, que la baisse à 50% de nucléaire ne serait pas atteinte en 2025. Les règles du jeu pourraient donc être redéfinies en cours de route. Le gouvernement explique, dans le dossier du débat, avoir donné priorité aux objectifs climatiques en fermant d'ici 2022 les centrales thermiques au charbon. "L'évolution du système électrique ne devra nécessiter aucun nouveau projet de centrale thermique à combustibles fossiles ni conduire à une augmentation des émissions de gaz à effet de serre de notre production électrique", précise-t-il.
Le cadre de discussion est donc contraint par ce premier choix. Le dossier présente, en conséquence, seuls deux des quatre scénarios établis par le gestionnaire de réseau de l'électricité RTE jugés conformes à ce cadre. Et ajoute : "Pour satisfaire la demande d'électricité de façon pérenne, le rythme de fermeture des réacteurs nucléaires doit être cohérent avec l'évolution de la demande et de la dynamique de progression des EnR et du parc thermique". Seulement, les scénarios d'évolution de la demande en énergie, de l'offre pour y répondre et des émissions de GES inhérents à chaque voie envisagée ne sont pas apportés au débat. Ils sont en cours de finalisation…
La question des coûts est survolée
Ayant fait le choix clair d'un mix électrique décarboné s'appuyant sur le nucléaire et les renouvelables, le gouvernement interroge les citoyens sur les différentes filières renouvelables et le poids à leur donner dans la transition énergétique. "Ces choix vont notamment tenir compte de plusieurs enjeux", indique le gouvernement. L'un d'eux porte sur les coûts, "dans la mesure où les énergies renouvelables sont à ce jour très majoritairement soutenues par la puissance publique (et à travers elle par le contribuable), il est important d'orienter le développement vers les filières les plus compétitives, ou qui disposent d'un potentiel de réduction des coûts qui les rendra compétitives dans un futur proche".
Pourtant, cette question est juste survolée dans le dossier du débat. Les notions de coûts sont abordées de manière relativement floue et peu comparables entre elles. Fourchette entre 32€/MWh et 60€/ MWh pour le nucléaire existant, 110 €/MWh pour le nucléaire de demain (susceptible de baisser avec l'industrialisation), entre 45 et 60€/MWh pour l'éolien terrestre en 2030, entre 50 et 100€/MWh pour l'éolien en mer et entre 40 et 70€/MWh pour le photovoltaïque au même horizon.
"Certaines options choisies en matière de politique énergétique pèsent sur les prix des énergies pour les consommateurs industriels et domestiques, alors que d'autres pèsent plutôt sur les contribuables", indique le gouvernement. Le public est donc interrogé sur la répartition de ces charges ainsi que sur les priorités. Par exemple, il devra dire s'il est prêt "à courir un risque de coupure plus important pour que le coût de l'énergie soit plus faible".