À l'occasion d'un discours devant les membres du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE), le Premier ministre François Fillon a dévoilé les grandes lignes des futures règles du jeu en matière de soutien au solaire photovoltaïque qui entreront en vigueur le 10 mars prochain. Décidés le matin même avec les ministres en charge de l'écologie et de l'énergie, ces arbitrages s'appuient sur les trois mois de concertation et le rapport final Charpin Trink, officiellement remis la semaine dernière aux ministres.
Devant le CESE, François Fillon a justifié une nouvelle fois ces décisions : "nous assistions à l'installation de panneaux de piètre qualité, dans des conditions environnementales et urbanistiques très rudimentaires, qui avaient peu à voir avec un développement vertueux des énergies renouvelables", a-t-il expliqué en évoquant "l'avant-moratoire".
Une cible de 500 MW par an
Selon François Fillon, "pour 2011 et 2012, [les professionnels] disposent d'objectifs de puissance encore jamais égalés : les projets préservés par le décret de décembre dernier, contrairement à ce qui a été dit (…) représentent plus de 3.400 MW". En se basant sur une réalisation effective de 2.000 MW de projet et sur la cible annuelle de 500 MW fixée par la programmation pluriannuelle d'investissement (PPI), le gouvernement estime que "ces volumes garantissent un marché national suffisant au cours des deux prochaines années". La cible annuelle se situera donc au-delà des 300 MW qu'EDF aurait demandés mais ne s'inscrit pas dans la fourchette de 700 à 1.000 MW proposée par les acteurs industriels du secteur. Selon la feuille de route du gouvernement, fin 2012 le parc photovoltaïque français atteindrait 4.000 MW pour un objectif Grenelle fixé à 5.400 MW d'ici 2020.
Si ces développements ne sont pas au rendez-vous, le gouvernement envisage de revoir à la hausse la cible annuelle, jusqu'à 800 MW par an mais seulement à l'occasion de la révision de la PPI, soit à la mi-2012.
Appel d'offres ou tarif d'achat selon le type de projets
Afin de répondre aux besoins de transparence des procédures, le gouvernement a choisi de différencier les projets selon leur taille : les fermes au sol et les installations sur de très grandes toitures seront traitées par appel d'offres, et devront répondre à des "critères de qualité environnementale et urbanistique, des conditions de recyclage des déchets de l'installation, un fort contenu d'innovation…", selon François Fillon. Des critères qui restent à définir précisément.
Les particuliers et les petites installations seront quant à eux soumis, comme c'est déjà le cas aujourd'hui, à un régime de tarif d'achat. Le tarif initial sera toutefois réduit de 20% en moyenne par rapport au tarif en vigueur au 1er septembre 2010 et sera ajusté automatiquement chaque trimestre en fonction des volumes de projets déposés.
"À eux aussi, nous demanderons de respecter des critères qualitatifs. Et à tous, nous demanderons des garanties bancaires", a précisé François Fillon. "Ces exigences crédibiliseront le professionnalisme de la filière et éloigneront tous ceux dont le comportement spéculatif passé a nui à la réputation de cette industrie émergente", a-t-il ajouté.
Des industriels dans l'attente de détails
Pour les industriels de la filière, ces premières annonces apportent plus de questions que de réponses. André Joffre, vice-président d'Enerplan qualifie de "bonne nouvelle" les 3.000 MW prévus d'ici fin 2012 mais la baisse des tarifs de 20% l'inquiète : "si les tarifs d'achat ne sont pas suffisamment attractifs, nous n'atteindrons pas les volumes prévus. De plus, cela risque de provoquer une concentration des projets dans les régions les plus ensoleillées du pays et encourager le recours à des produits à bas prix".
Le choix de passer à une procédure par appel d'offres pour les grandes installations inquiète également Enerplan : cette procédure assez lourde n'a pas donné de bon résultat par le passé. Mais la question majeure reste le seuil d'éligibilité à cette procédure. Le rapport Charpin Trink préconise une taille de centrale de 100 kW (soit environ 1.000 m2 de panneaux). Les industriels espèrent un seuil de 250 kW et une gestion "efficace" des appels d'offre. Le passage a une procédure d'appel d'offre ne nous pose pas de problèmes puisque nous avons déjà l'habitude de travailler de cette manière avec les collectivités même si la procédure des tarifs d'achat est plus sécurisante, témoigne José Chaves, Directeur Technique d'Enfinity, une société de conception et construction de centrale située à Aix-en-Provence. "Nous attendons surtout de savoir qui va gérer ces appels d'offres et comment seront-ils menés".
Le collectif Touche Pas A Mon Panneau Solaire regrette quant à lui l'absence de simplification technique et administrative et estime que le nouveau cadre réglementaire ne permettra pas de mettre fin au monopole des "gros" porteurs de projets : "les filiales d'EDF seront là encore les mieux placées pour connaître les procédures avant l'heure, pour déposer au plus vite et pour "promouvoir" leurs dossiers auprès des collègues du gestionnaire de réseau à l'image des pratiques récemment mises à jour."