Cette demande de pointe évolue beaucoup plus rapidement que la demande en base (+ 40 % contre + 16 % depuis 1996). Un phénomène dominé par l'effet saisonnier, les variations étant en grande partie dues à l'usage du chauffage électrique. Lors de la pointe hivernale du 7 janvier 2009, le chauffage électrique a ainsi été responsable d'une surconsommation en puissance de 34.000 MW.
L'association NégaWatt a dénoncé, lors d'une conférence de presse le 1er décembre, le manque de réalisme des pouvoirs publics face à ce problème. ''Cette situation révèle les limites d'un choix structurel absurde dès l'origine : le développement simultané du tout nucléaire et du chauffage électrique'', analyse l'association. Le phénomène de pointe, spécificité française, est en effet selon Thierry Salomon, président de Négawatt, ''inhérent à notre système de production''. Sécurité énergétique, protection de l'environnement, précarité énergétique sont autant d'enjeux liés à ces événements qu'il est urgent de limiter.
Le chauffage électrique en partie responsable
Principal responsable de la pointe hivernale, selon NégaWatt : le chauffage électrique. ''Cet usage représente à lui seul 60 TWh de consommation, soit 12,3 % de la consommation annuelle totale d'électricité française''. Il est responsable de 27 % de la consommation totale d'électricité du secteur résidentiel, alors même qu'il n'équipe qu'un quart des logements existants. Chaque degré en moins sur le thermomètre provoquerait une surconsommation de 2.100 MW, l'équivalent de la puissance appelée par la ville de Paris, selon l'association.
Malgré son fort impact, le chauffage électrique connaît un fort développement depuis plus de dix ans. En 2008, trois quart des nouvelles constructions en étaient équipées. La raison ? Un investissement de départ beaucoup plus faible que pour les autres énergies. ''La conséquence directe de cette évolution est une sensibilité toujours plus grande de la consommation électrique française au froid, entraînant des records de consommation toujours plus hauts et plus fréquents que l'on connaît''. RTE a d'ailleurs annoncé récemment craindre des coupures d'électricité en cas de froid intense et durable cet hiver. Parmi les raisons avancées, outre une indisponibilité d'une partie du parc nucléaire français pour maintenance, le fort taux d'équipement des ménages en chauffage électrique.
Une politique favorable à l'électricité
Alors que de nombreux pays prennent des mesures contre le chauffage électrique (la Suisse l'interdit sauf situations exceptionnelles, l'Italie applique une tarification progressive : un forfait concernant les besoins nécessaires puis une augmentation rapide pour chaque kWh supplémentaire) la France continue à le soutenir, voire à l'inciter.
Par exemple, la taxe carbone, prévue dans le projet de loi de Finances 2010, risque de créer un report sur le chauffage électrique, en taxant les énergies fossiles mais pas l'électricité.
Depuis 2003, les pompes à chaleur (électriques) bénéficient d'un crédit d'impôt malgré ''de mauvaises performances'' pour une partie d'entre elles : ''dans une majorité des cas, les pompes à chaleur basculent en cas de grand froid sur des résistances électriques classiques, elles se transforment alors en un vulgaire convecteur électrique''.
Enfin, la RTE 2005, qui fixe des valeurs maximales de consommation d'énergie primaire à ne pas dépasser pour les logements, est beaucoup plus permissive pour l'électricité que pour les énergies fossiles (en zone 1, 250 kWh primaire /m2/an contre 130 kWh).
Les vraies et les fausses solutions selon NegaWatt
Le parc français a de plus en plus de difficultés à répondre à ces évènements. Les centrales nucléaires (63.200 MW installés), qui fournissent près de 77 % de l'électricité française, ne couvrent que partiellement les besoins de pointe. De ce fait, la France a recours à des moyens de production thermique (fioul), notamment par le biais d'importations. Depuis 1990, la part des énergies fossiles dans la production d'électricité française a augmenté de près de 25 %.
Pour l'association NegaWattt, il est temps de résoudre, et non de gérer, le phénomène de pointe. L'effacement ou l'augmentation de la production de base (en construisant un troisième EPR par exemple) sont de ''fausses bonnes solutions'' pour l'association. Si la première ne fait que déplacer les consommations, et donc la pointe, la deuxième ne permet pas de répondre que partiellement aux besoins de pointe et conduit à un excédent de production l'été, au moment où personne n'en a besoin.
NegaWatt propose, pour limiter le problème de pointe, de revoir la politique tarifaire de l'électricité en développant une structure de prix faisant payer suivant la puissance souscrite et la consommation annuelle et tenant compte des coûts de production, de transport et de distribution supérieurs pour les consommations saisonnières d'hiver.
Dans le cadre de la RT 2012, l'association souhaite que les exigences soient au moins aussi strictes pour l'électricité que pour les autres énergies et qu'elles soient modulées en fonction de la performance des équipements.
Enfin, l'association précise qu'il faut inciter l'isolation des bâtiments et la conversion vers les énergies renouvelables, notamment dans les zones de tension électrique comme la Bretagne ou la région PACA et étendre la taxe carbone, ou contribution climat énergie, à l'électricité.