Suite à la vidéo montrant un déversement d'eaux usées chargées de béton et de microfibres synthétiques dans la Seine au niveau du quai de Bercy (12e arrondissement), des associations France nature environnement (1) (FNE) ont déposé une plainte contre X auprès du procureur de la République. « Il s'agit d'une plainte contre X, notamment pour couvrir l'éventualité d'une diversité d'auteurs du dommage, mais c'est bien le fonctionnement de l'installation qui est au centre de cette affaire», explique Maxime Colin, juriste de FNE Ile-de-France. L'entreprise de matériaux de construction avait indiqué avoir été victime d'un acte de malveillance par la « détérioration délibérée d'une plaque d'étanchéité, positionnée sur le dernier bassin de décantation des eaux ».
Les associations visent dans leur plainte différentes infractions : destruction des fonds piscicoles, abandon illicite de déchet, pollution des cours d'eau, non-respect de la réglementation ICPE.
FNE Ile-de-France envisage également de porter plainte pour le second déversement constaté dans la Seine en juin dernier : une association de riverains avait en effet pris des photographies montrant des camions du cimentier déversant des liquides dans le fleuve au niveau du port de Javel à Paris (15e arrondissement).
Le troisième signalement depuis avril 2019
« C'est le troisième signalement constaté en près d'un an pour des problèmes liés à des stockages de déchets en bord de Seine, pointe Maxime Colin. Nous sommes déjà intervenus en avril dernier pour des faits similaires à Nanterre : une cuve de stockage de déchets issus des eaux de lavage de camions toupie d'une filiale du groupe Vinci construction avait débordé ».
Au final, l'entreprise avait été condamnée à payer 50.000 euros (90.000 dont 40.000 avec sursis). « Cela ne correspond même pas au coût d'une journée de fonctionnement de cette installation, situe Maxime Colin. Cela n'encourage pas au respect de la réglementation ».
La seconde audience de cette affaire – axée sur les demandes des parties civiles - devrait être arbitrée dans les prochains jours.
Pour l'association, une des raisons qui expliquent ces accidents serait notamment la réduction des effectifs des services de l'Etat. « Nous déplorons le manque de moyens des services de contrôle, de la direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie (Driee), de l'Office français de la biodiversité mais également au sein des juridictions qui n'ont pas les moyens d'instruire systématiquement les dossiers, regrette Maxime Colin. Les procureurs sont débordés et dans la hiérarchie des dossiers l'environnement, ne fait pas partie des sujets prioritaires ».
Renforcer la surveillance des centrales à béton situées en bord de voie d'eau
De son côté, la Mairie de Paris n'a finalement pas déposé plainte. « Le procureur s'est saisi de l'enquête et la Ville a effectué un signalement avec tous les éléments qui sont en sa possession. Elle se réserve le droit de se porter partie civile, précise-t-elle. Nous demandons depuis plusieurs années à Ports de Paris de nous associer au choix des destinations de site, des opérateurs, des modalités du cahier des charges. (…) Nous souhaitons engager une grande consultation avec Haropa (2) dans ce sens ».
La Mairie de Paris salue toutefois le plan d'actions (3) lancé par le groupement pour renforcer la surveillance des centrales à béton situées en bord de voie d'eau. Le document prévoit notamment d'imposer aux exploitants - via les conventions d'occupation temporaire - un auto-contrôle avec obligation d'information du port, de la préfecture et de la mairie de tout incident ayant un impact potentiel sur l'environnement dans un délai maximum de 12 heures. Des contrôles inopinés seront également organisés, initiés par le port, portant sur la qualité de l'exploitation. Le plan d'action vise l'instauration, au moins une fois par an, de nouveaux comités locaux avec les élus, riverains, associations pour faire un point de situation annuelle de l'exploitation de chacune des centrales et partager les résultats des audits et contrôles. Enfin, il créé un nouveau dispositif de centralisation des signalements d'incidents (4) avec un engagement de réponse aux contributeurs dans les 48 heures.