Directeur du département Marchés de RTE
Actu-Environnement : Qui seront les obligés du futur mécanisme de capacité et comment sera calculée leur obligation ?
Thomas Veyrenc : Les obligés seront les fournisseurs d'électricité. Leur obligation sera calculée sur la base de la consommation effective de leurs clients, a posteriori. C'était l'un des points importants de discussion. L'objectif du dispositif est d'assurer la sécurité d'approvisionnement du système électrique, cela peut se faire en augmentant les capacités de production ou en réduisant la pointe. Prendre en compte la consommation réelle va favoriser le développement de l'effacement de consommation. Les règles de calcul seront connues quatre ans avant, ce qui permettra d'avoir une prévision du volume total d'obligation.
AE : Comment avez-vous défini la pointe de consommation ?
TV : Nous avions le choix entre deux options : retenir des périodes très longues de pointe, ou au contraire, des périodes très courtes. Nous avons retenu la deuxième : l'obligation couvrira les dix à quinze jours de plus forte consommation de l'année. Ce choix favorisera fortement l'effacement, et est suffisant pour couvrir une vague de froid.
AE : Le dispositif prévoit de certifier les capacités de production et d'effacement. Quelles sont les conditions prévues ?
TV : RTE émettra des certificats pour les capacités de production quatre ans avant la période de livraison. Pour obtenir ces certificats, il faudra que ces moyens existent mais également qu'ils soient disponibles lors de la période de pointe, qui sera signalée à J-1. Mais pour prendre en compte les aléas, les producteurs d'électricité pourront réajuster leur offre jusqu'au démarrage de l'année de livraison. Pour favoriser l'effacement, nous proposons que ces opérateurs puissent obtenir leurs certificats jusqu'à l'entrée en période de livraison. Cette condition est importante pour le bouclage de l'équilibre offre-demande. Enfin, différents sites d'effacement pourront s'agréger, alors que jusque-là, certaines barrières existaient.
AE : Comment seront rémunérées ces capacités ?
TV : Toute personne qui est en mesure de procurer une assurance au système pourra vendre ses certificats sur le marché. Le prix sera fixé librement, en fonction de l'offre et de la demande. En cas de période tendue, le prix des certificats augmentera.
AE : L'effacement ne sera donc pas favorisé financièrement ?
TV : Ce sont l'ensemble des choix techniques que nous avons opérés qui favoriseront l'effacement. Ces comportements pourront être valorisés en tant qu'offre supplémentaire de capacité mais aussi en tant que moyen de réduire une obligation de capacité.
AE : L'entrée en vigueur de ce mécanisme de capacité entraînera-t-elle des coûts pour le consommateur final ?
TV : Le mécanisme n'est pas un dispositif de subvention à la production : s'il n'y a pas de besoins de capacité, il n'y aura pas de surcoût. En choisissant une période de pointe courte, nous donnons des leviers aux consommateurs pour réduire l'impact financier de ce dispositif, en changeant leurs comportements.
AE : L'Allemagne a fait part de son intérêt pour le dispositif français. Peut-on imaginer à terme un élargissement du marché de capacité ?
TV: L'Allemagne a entamé une phase de réflexion sur le sujet. Mais d'autres Etats membres sont plus avancés, notamment les pays scandinaves ou l'Italie. Le Royaume-Uni devrait lancer son propre mécanisme en 2017. Une harmonisation entre ces dispositifs est effectivement possible. Des certificats pourraient être échangés entre différents pays, à condition que des règles d'équivalence soient trouvées, en fonction des spécificités de chaque système électrique. Des travaux de coopération sous l'égide des Etats membres sont en cours.
AE : Le mécanisme de capacité sera opérationnel en 2017. Suffira-t-il pour répondre au risque d'insécurité électrique de la France à cet horizon, sur lequel RTE alerte régulièrement ?
TV : Nous attendons une validation des règles par les pouvoirs publics avant l'été. Nous pourrons donc démarrer les certifications au deuxième semestre 2014, pour une entrée en vigueur du dispositif en 2017. En dix ans, la pointe a augmenté de 30%. Nous alertons effectivement sur un risque de pénurie en période de pointe : certains moyens de production vont fermer, d'autres risquent de ne plus être rentables… Avec le mécanisme de capacité, nous mettons en place les conditions pour assurer notre sécurité d'approvisionnement.
* Commission de régulation de l'énergie