« Le constat est clair : les financiers ont un rôle majeur à jouer, mais ils ne sont pas formés », atteste le Shift Project. D'après le groupe de réflexion fondé par l'ingénieur Jean-Marc Jancovici, seules 5 % des 1 400 formations consacrées à la finance, en France, dispensent des cours intégrant les enjeux de la transition écologique (contre 11 % pour l'ensemble de l'enseignement supérieur). Dans son troisième et dernier rapport se focalisant sur la transformation des études supérieures, intitulé « ClimatSup Finance (1) » et publié ce 15 décembre, le laboratoire d'idées mise sur une nette augmentation du volume de cours en la matière dans l'optique de responsabiliser le système financier tout entier.
Transformer le système par l'enseignement supérieur
Pour réussir la transition écologique de ce système, le Shift Project prône de nombreuses évolutions, dont l'arrêt de la focalisation sur l'objectif de croissance du produit intérieur brut (PIB) et la mise en place d'une « taxonomie brune », pour interdire les investissements préjudiciables à l'environnement, et de nouveaux régimes d'inflation face à une économie « de plus en plus volatile se basant sur des flux physiques qui se démondialisent et ralentissent ». Parvenir à des changements si radicaux ne fonctionnera pas sans une évolution culturelle chez les futurs financiers de marché ou d'entreprise.
Au moins 320 heures de cours jusqu'au bac + 5
Face à ce manque, et pour aller dans le sens de la généralisation des enjeux écologiques dans tous les cursus d'ici à 2025, le think-tank mise sur l'acquisition d'un socle de connaissances « nécessaires pour que les professionnels de la finance puissent comprendre les contraintes physiques et leurs implications pour leurs métiers ». Décliné sur un minimum de 320 heures de cours pour atteindre un niveau bac +5 , ce socle se compose de deux blocs.
Le premier, commun aux enseignements déjà proposés pour transformer les écoles de commerce et de gestion, occuperait 165 heures de cours dans les deux à trois premières années post-baccalauréat, dont 48 heures consacrés uniquement aux connaissances physiques et socio-économiques liées aux limites planétaires. Le second bloc de cours, d'une durée cumulée de 156 heures, s'étalerait sur les trois années de spécialisation en finance (à savoir, les années L3, M1 et M2) et représenterait ainsi 11 % du volume total d'enseignement. Les étudiants seraient formés aux mécanismes de la finance verte et aux critères ESG, afin de pouvoir, par exemple, mieux « discerner un actif permettant la transition écologique d'un actif nuisible au respect des limites planétaires », « concevoir et exécuter des stress-tests climat » dans leurs analyses de risque financier sur des projets et « dépasser le profit monétaire comme seul horizon ».
Pour compléter cette proposition, le Shift Project insiste également sur la transformation des autres strates de l'enseignement supérieur en finance. En particulier, il juge capital la formation des formateurs sur les nouveaux enjeux et notions à transmettre à leurs étudiants : au moins 20 heures pour la direction et le personnel administratif des écoles et 48 heures pour les enseignants eux-mêmes. En outre, son rapport suggère de consacrer au moins 3 % du budget des établissements sur trois ans à la transformation des cursus.