La Commission européenne déclarera-t-elle l'année 2024 « Année européenne du déplacement à vélo » ? C'est en tout cas ce que lui demandent les députés de l'Union, via une résolution adoptée jeudi 16 février. Appelant au développement d'une stratégie européenne pour ce mode de transport, y compris dans sa version électrique, le texte insiste sur ses nombreux avantages, pour les déplacements de courte distance en particulier : réduction de la pollution sonore et atmosphérique, des émissions de carbone et des particules fines notamment, fluidification du trafic urbain, amélioration de l'état de santé des pratiquants… « Relativement abordable, à la portée de la plupart des citoyens » et générant déjà un million d'emplois, le vélo favorise aussi une économie durable, notent les députés.
Pour que son potentiel soit libéré, cette mobilité douce doit cependant encore surmonter quelques freins : l'image d'une pratique réservée essentiellement à un public masculin, jeune et en bonne santé, l'investissement nécessaire, le déficit d'aires de stationnement sécurisées et de mesures de prévention des vols, mais, surtout, de réels problèmes de sécurité. En France, dans un bilan publié le 1er février dernier, l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière mentionne ainsi une hausse de 30 % des décès de cyclistes en 2022, par rapport à 2019, et de 13 % des accidents graves. Hors agglomération, ces chiffres sont encore plus préoccupants : la mortalité est en hausse de 47 % et le nombre de blessés graves de 22 %.
Jeux de pistes
Même si la Commission européenne ambitionne déjà d'aider les villes et les régions à doubler le nombre de leurs kilomètres cyclables d'ici à 2030, la résolution du Parlement met donc particulièrement l'accent sur la nécessité de développer plus d'infrastructures cyclables sécurisées et séparées. Dans le cadre des processus de planification urbaine, les députés encouragent par exemple les États et les collectivités à prévoir plus d'autoroutes cyclables reliant les banlieues et les centres-villes. « Là où cela est réalisable », ce type de piste pourrait même enrichir le réseau transeuropéen de transport (RTE-T), parallèlement aux voies ferrées et aux voies navigables intérieures. Des travaux qui peuvent d'ailleurs être envisagés, sans trop de surcoûts, à l'occasion d'aménagements ferroviaires ou fluviaux.
Changement de braquet
Les députés attendent aussi des mesures d'ordre économique : baisse de la TVA sur le matériel et sur les services de réparation, soutien à une production européenne forte et reconnaissance formelle de l'industrie du cycle, fabrication de batteries pour les vélos électriques et économie circulaire comprises. « L'écosystème du vélo compte déjà plus de 1 000 petites et moyennes entreprises, expliquent-ils. Les vélos électriques offrent des perspectives pour la croissance de l'industrie (…), puisqu'ils permettront de créer des emplois verts et d'absorber une main-d'œuvre reconvertie provenant d'autres secteurs. »
Pour les parlementaires, cette économie ne devrait pas être exclue des programmes et régimes de financement des infrastructures industrielles. Elle devrait aussi être promue via des secteurs connexes, tels que la santé, les sports ou le tourisme, en renforçant par exemple le réseau EuroVelo et ses 17 itinéraires. Une attention particulière devrait également être portée à l'installation de places de stationnement sûres et sécurisées pour les bicyclettes et à la capacité de recharge des vélos électriques dans la conception des logements, au sein des entreprises ou dans les gares.
Un cadre global favorable
Selon les députés, le vélo devrait ainsi être reconnu comme un mode de transport à part entière, pleinement intégré dans les politiques d'investissement, d'aménagement urbain et de mobilité, bénéficiant en outre d'une collecte de données harmonisées. D'ici à 2030, ces efforts pourraient permettre de doubler le nombre de kilomètres parcourus en Europe ainsi que celui des emplois liés au secteur. Une stratégie cohérente avec le Pacte vert et avec les propositions de la Commission pour une « Mobilité efficace et verte », présentées en décembre 2021, rendue d'autant plus nécessaire que le secteur des transports peine toujours à se décarboner.
Sur ce sujet, le Parlement devrait du reste trouver des alliés de poids au sein de la Commission. Lors du Cycling summit de Copenhague, en juin 2022, le vice-président exécutif de la Commission, Frans Timmermans, ne déclarait-il pas que la neutralité carbone pour les villes, d'ici à 2030, ne pourrait se faire sans vélo ? « Les règles que nous proposons en Europe doivent, chaque fois que c'est possible, avoir une dimension cycliste », soulignait-il. « Nous pouvons bousculer les pratiques, approuve Karima Delli, présidente de la Commission des transports et du tourisme du Parlement européen. Il faut que les États membres fassent de cette politique une priorité. C'est du gagnant-gagnant. »