Un démonstrateur à grande échelle pour le suivi dans les eaux usées du Sars-CoV-2, responsable de la Covid-19, pourrait-il être opérationnel à l'automne 2020 ? C'est dans cette optique, en tout cas, que le ministère de la Recherche et de l'innovation a débloqué un financement d'un montant maximum de 3 millions d'euros. L'ambition est d'arriver à un maillage territorial s'appuyant sur un réseau de 150 stations d'épuration. Pour l'instant, le fléchage de ce montant n'est pas connu.
Lancé au début de la crise sanitaire, le projet d'observatoire épidémiologique dans les eaux usées (Obépine) (1) s'attelle à constituer un réseau national de surveillance des eaux usées. Il s'appuie sur des travaux initialement menés sur le suivi de la circulation du virus de la gastro-entérite à partir de l'examen des eaux de la Seine. Aujourd'hui, le réseau suit une trentaine de stations d'épuration, dont cinq en région parisienne. Au final, l'objectif est que cette surveillance des eaux usées puisse constituer un signal précoce pour aider à la gestion de la pandémie.
L'évolution de la dynamique de l'épidémie comme signal d'alerte
Toutefois, le temps de l'épidémie n'est pas forcément calqué sur celui du développement de l'outil. Malgré une forte demande de la population sur la question, ainsi qu'un besoin de connaissance comme de transparence. En guise d'illustration, l'émoi suscité par la publication d'un article du Monde sur la quantité de virus détectée dans les eaux usées parisiennes (2) , ce mercredi 8 juillet.
« Ce qui est important, c'est le suivi de la dynamique de l'épidémie, souligne Sébastien Wurtzer, microbiologiste virologue à Eau de Paris. Il faut jouer sur la fréquence d'échantillonnage. Si nous obtenons des échantillons positifs, la réponse à apporter sera de multiplier les points d'échantillonnage et leur fréquence, par exemple tous les jours ou tous les deux jours dans les stations d'épuration identifiées ». Dans le cas de cet outil, l'indicateur à prendre en compte comme signal d'alerte serait ainsi l'augmentation significative de la concentration du virus.
Vers un réseau pérenne ?
Interrogé sur le devenir de cet outil, le ministère de la Santé estime, quant à lui, qu'il reste aujourd'hui dans le domaine de la recherche. Pour l'instant, la stratégie reste axée sur le dépistage individuel. « Cet outil serait simplement annonciateur d'un flux potentiel de malades, mais n'apporterait rien en matière de prévention. Il ne contribuerait pas à la stratégie de "contact tracing" que nous mettons en œuvre depuis plusieurs jours. Celle-ci nous semble bien plus efficace, grâce notamment à l'action des professionnels libéraux, de l'assurance maladie et des agences régionales de santé (ARS), ainsi que, demain, à l'application StopCovid », avait notamment argumenté, le 28 mai, Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des Solidarités et de la santé en réponse à un sénateur.
De son côté, le ministère de la Recherche et de l'innovation avait soutenu, à hauteur de 500 k€, le développement du projet, notamment pour mettre en place les bases d'un réseau national sentinelle. « À l'issue de ce projet, un rapport complet sur les performances, les améliorations à apporter et sur les difficultés opérationnelles rencontrées est attendu, détaille le ministère dans un communiqué. Ces éléments permettront d'apprécier l'opportunité et les conditions de la mise en place d'un réseau pérenne d'alerte et de surveillance dans un contexte où les avis scientifiques s'accordent sur l'éventualité d'une résurgence de la pandémie de la Covid-19 dès cette année, et sur la possibilité de vagues saisonnières ».
Affaire à suivre.