Présentée le 13 avril dernier, la nouvelle taxation de l'énergie proposée par la Commission européenne a déjà suscité de nombreuses critiques. Certains Etats membres ont fait part de leur désaccord comme le Royaume-Uni, l'Irlande et le Luxembourg. Même si une taxe carbone nationale existe dans ces pays, les trois Etats se disent hostiles à toute mesure de fiscalité qui serait imposée par Bruxelles. "Sans dire que nous tuerons certainement cette chose avant qu'elle soit née, je pense qu'il est fortement probable que nous la bloquions", aexpliqué un diplomate anglais au quotidien européen EurActiv.
"Je ne pense rien de bon de ces plans", a également déclaré Rainer Brüderle, le ministre allemand de l'Economie. "Les Etats membres doivent rester maîtres de la manière dont ils organisent la taxation des produits énergétiques", a-t-il ajouté. Ce dernier s'inquiète plus particulièrement de la modification de la taxation sur le gazole via la nouvelle méthode de calcul de la Commission qui inclut désormais le contenu carbone du produit.
Cette nouvelle taxation se base sur deux facteurs : le contenu énergétique et les émissions de CO2 liées aux produits énergétiques. Elle vise surtout les carburants pour le transport et les énergies fossiles pour le chauffage. Le charbon, actuellement peu taxé en raison de son efficacité énergétique, le serait davantage avec la taxe sur les émissions de CO2. Il en irait de même pour le diesel et le fioul. Un litre de diesel serait imposé à hauteur de 8% de plus qu'un litre d'essence.
Les débats entre Etats membres, Parlement européen et Commission risquent d'être très vifs à ce sujet sachant qu'en matière de fiscalité toute décision doit être prise à l'unanimité et pas simplement à la majorité. Déjà en 2010, une proposition similaire avait provoqué une levée de boucliers qui avait conduit José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, à repousser le projet.
Les professionnels de la route montent également au créneau
L'Union Internationale des Transports routiers (IRU) estime que cette politique fiscale communautaire va lourdement pénaliser le secteur du transport routier et n'aura pas les impacts escomptés : "le premier objectif de la proposition, à savoir préserver le bon fonctionnement du marché intérieur, ne sera donc pas atteint. Au contraire, la politique de la Commission nuira fortement à la production et au commerce, et donc aussi à l'emploi".
L'IRU dénonce également une taxation inéquitable : "pour réellement parvenir à une utilisation plus efficace de l'énergie, la nouvelle proposition fiscale de la CE devrait être mieux équilibrée en soumettant tous les modes de transport aux mêmes droits d'accise, régime TVA et taxe CO2, car cela les obligerait à réaliser les mêmes économies d'énergie que le plus taxé de tous, à savoir l'industrie du transport routier."
Bon accueil dans le secteur des énergies renouvelables
À l'inverse, les professionnels des EnR se disent satisfaits. L'association européenne pour la biomasse (AEBIOM) estime ainsi que le niveau minimum d'imposition du CO2 présenté par la Commission améliorerait la compétitivité de la bioénergie dans l'UE. Le secteur espère toutefois que les carburants à base de biomasse seront exemptés. Selon la proposition de la Commission, les produits constitués de biomasse qui respecteraient des critères de durabilité le seraient.
L'AEBIOM accueille par ailleurs favorablement la proposition de redistribuer les budgets nationaux recueillis par cette fiscalité de l'énergie pour la substituer à l'imposition du travail. "Les Etats membres devraient être également encouragés à redistribuer ce budget pour substituer les combustibles fossiles par les énergies renouvelables car l'investissement est l'une des barrières principales retenant bon nombre d'entre nous pour commuter du fossile à l'énergie renouvelable", ajoute l'association.