La rénovation énergétique des bâtiments "est plombée par d'un côté les démarcheurs sans scrupule et d'un autre par les banques trop peu regardantes [qui accordent des crédits, ndlr]", a fustigé, ce 7 février, Alain Bazot, président de l'association de consommateurs UFC-Que Choisir, lors d'un point presse. Alors que le gouvernement lancera fin février son plan quinquennal de rénovation, l'association prévient à son tour des pratiques abusives et frauduleuses de la part de démarcheurs, occasionnant une explosion de litiges. Son étude (1) intervient après les alertes, ces derniers mois, aux fraudes aux certificats d'économies d'énergie finançant des travaux d'isolation.
Plus de 800 dossiers de litiges recensés depuis 2007
Sur 871 litiges de consommateurs enregistrés par l'UFC en France depuis 2007, le préjudice est estimé "a minima à 17 M€, ce qui fait une moyenne de 20.000 euros par dossier", a détaillé Evelyne Gobert, présidente de l'UFC de la Sarthe. Les installations de panneaux solaires sont le premier poste de litiges traité par l'UFC depuis 2007 (64% des encours litigieux), "loin devant" les travaux d'isolation (18%) ou les installations d'énergie solaire thermique (4%). "Ainsi, les montants litigieux représentent, en volume, 11 millions d'euros pour les panneaux solaires, 3 millions d'euros pour les travaux d'isolation et près de 700.000 euros concernant l'énergie solaire thermique".
Les litiges se sont accrus depuis fin 2016. "En seulement 9 mois, plus de 3,7 M€ de préjudice supplémentaire, soit 21% du volume total recensé depuis 2007, ont été ponctionnés au détriment des consommateurs, en particulier auprès des personnes les plus vulnérables", précise l'association.
Des pratiques commerciales "agressives voire trompeuses"
Sur 309 dossiers de litiges traités par l'UFC depuis 2015, elle constate des pratiques commerciales "trompeuses voire agressives" (29% des dossiers) : celles-ci se manifestent notamment par "des sollicitations répétées, par téléphone ou à domicile, qui frisent le harcèlement, le fait de se présenter en tant que tiers de confiance (comme employé de la commune, délégataire de fournisseurs d'énergie) lors du démarchage", a ajouté Evelyne Gobert.
L'association observe également des obstacles au droit de rétractation de 14 jours permettant aux consommateurs de résilier leur contrat de vente, prévu par la loi Hamon de 2014 (22% des dossiers). Et de pointer : "des formulaires de rétractation absents, des bons de commande antidatés voire des tentatives d'intimidation de leurs commerciaux". De même, 10% des dossiers portent sur des versements d'acomptes le jour du démarchage. "Cette pratique est pourtant contraire au code de la consommation qui indique qu'aucun paiement comptant ne peut intervenir avant l'expiration du délai de rétractation de 14 jours". Enfin, à l'issue de la livraison des travaux, 43% des dossiers portent sur des cas de consommateurs qui constatent que ces opérations sont "bien moins rentables qu'annoncées".
Le rôle des banques pointé
Alain Bazot dénonce "la complicité" des banques dans le déploiement des opérations de démarchage "adossées à des demandes de crédits". Les travaux de rénovation énergétique ont été "quasi exclusivement financés" par un prêt à la consommation classique, à un taux de crédit allant de 3,9% à 5,8% dans le cadre d'un démarchage. Or, "plus d'un tiers des dossiers litigieux" auraient pu être financés par l'éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ), "moins coûteux", distribué par les établissements bancaires, regrette l'UFC.
L'association "milite pour que les établissements bancaires ne puissent financer les travaux proposés lors d'un démarchage qu'à la condition que ces prestations aient été validées par un expert indépendant". En amont des travaux, ce dernier, à partir de l'étude du bon de commande, s'assurerait de la qualité de la formation du contrat. En aval, l'expert "s'assurerait de la livraison complète et conforme au devis des travaux. Son accord permettrait le déblocage des fonds au profit du professionnel".