Le Parlement européen s'est prononcé mardi 5 juillet en séance plénière sur la proposition de la Commission européenne de juillet 2010, donnant la possibilité aux Etats-Membres d'interdire la culture d'OGM sur leur territoire même si ces derniers sont autorisés au niveau de l'UE. Le projet de modification de la législation existante a été adopté par 548 voix pour, 84 voix contre et 31 abstentions. "Je me réjouis que le Parlement soit arrivé à un accord sur un sujet aussi délicat, qui mobilise nos concitoyens depuis des années. Cet accord équilibré permettra, si le Conseil parvient à trouver une position commune, aux États et aux régions qui le souhaitent de ne pas cultiver d'OGM", a déclaré le rapporteur du Parlement, Corinne Lepage (ADLE, FR).
Renforcer les motifs d'interdiction pour assurer la sécurité juridique des décisions
La législation actuelle
Selon la législation actuelle (directive 2001/18/CE), la mise en circulation des OGM ne relève pas du pouvoir des Etats membres mais dépend d'une autorisation de la Commission délivrée qu'après une étude visant à identifier les risques pour l'environnement. Un Etat peut toutefois s'opposer à cette décision en invoquant la "clause de sauvegarde". Au moins sept pays ont déjà utilisé cette clause dont la France qui a suspendu la culture du maïs génétiquement modifié MON 810.
Mais cet outil n'est pas juridiquement sûr pour les Etats qui l'invoquent ce qui fait de ces clauses une cible facile pour les pays exportateurs d'OGM devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC). D'ailleurs, la France a été attaquée par la société Monsanto qui estime que l'interdiction française est illégale.
Rappelons, que seules deux cultures OGM sont actuellement autorisées au sein de l'Union européenne : le maïs MON810 du semencier Monsanto, autorisé en 1998 pour une durée de dix ans, et la pomme de terre Amflora du groupe allemand BASF, autorisée en mars 2010.
Estimant que "les motifs proposés ne sont pas suffisamment précis et que leur validité juridique est incertaine face à la Cour de Justice ou à l'OMC", l'eurodéputée Corinne Lepage a proposé qu'ils soient complétés par la "mention explicite" de critères environnementaux, tels que la résistance aux pesticides, la protection de la biodiversité ou un manque de données relatives aux conséquences négatives sur l'environnement. Le Parlement à suivi ces propositions et a également estimé que l'impact socioéconomique pourrait constituer "un motif légitime d'interdiction", par exemple lorsque les risques de contamination des cultures traditionnelles ou organiques ne peuvent pratiquement pas être maîtrisés. D'ailleurs, la Commission européenne doit installer prochainement un groupe de travail réunissant un panel d'experts européens pour plancher sur le sujet et apporter de nouvelles connaissances.
Des procédures d'évaluation modifiées
La Parlement s'est également prononcé pour le maintien des procédures d'évaluation et d'autorisation actuelles des OGM menées par l'Agence européenne de la sécurité alimentaire (AESA). Mais l'agence devra améliorer son fonctionnement et surtout bien respecter les procédures en place établies par la directive 2001/18/CE. "Celle-ci prévoit une évaluation des risques directs et indirects, à court et à long terme, ainsi qu'une reconnaissance réelle des incertitudes scientifiques, point crucial pour permettre une bonne gestion du risque et l'application éventuelle du principe de précaution", rapelle Corinne Lepage.
Il ne s'agit pour l'instant que d'un premier vote pour le Parlement européen. Sa position va désormais être examinée par les Etats membres conformément à la procédure de codécision. Et le compromis risque de ne pas être facile car les positions des Etats restent partagées sur ce sujet. À l'occasion du conseil environnement du 21 juin, plusieurs pays ont fait part de leurs doutes concernant la conformité du projet de règlement avec les règles de l'OMC et ont demandé des études complémentaires. La France ne semble pas non plus prête à donner son aval à ce règlement et prône en priorité "un renforcement de l'évaluation environnementale et sanitaire es OGM au niveau communautaire".