Huit mois après son lancement en mai 2011, la ministre de l'Ecologie Nathalie Kosciusko-Morizet a établi mardi 7 février ''un premier bilan" de la Stratégie nationale pour la biodiversité d'ici 2020. La ministre a présenté hier devant la presse les résultats des cinq premiers appels à projets lancés en juillet 2011 marquant l'entrée en vigueur effective de cette stratégie.
Passages à faune et à batraciens sur des infrastructures de transport, restauration de zones humides et d'habitats d'espèces menacées, lutte contre la faune et la flore envahissantes sur terre et en mer, développement de filières économiques durables à partir de l'utilisation de ressources naturelles locales... 62 projets "innovants", dont près du tiers en Outre-Mer, vont être soutenus à hauteur de "10 millions d'euros pour 2012" conjointement par l'Etat, les agences de l'eau et l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema).
Plus de 200 projets avaient été déposés dans le cadre de ces appels à projets qui ont "mobilisé une grande diversité d'acteurs : entreprises, collectivités, associations, chercheurs et opérateurs de l'État, souvent en partenariat", selon la ministre qui parle de ''succès". Si, ''depuis le Grenelle, beaucoup d'actions ont déjà été mises en œuvre'', selon NKM à l'instar des trames vertes et bleues, ces 62 projets ''exemplaires (1) portés depuis longtemps vont enfin bénéficier d'un soutien".
62 projets pour la biodiversité
Parmi les projets lauréats figurent en Outre-mer des programmes de lutte contre le poisson lion, espèce invasive, en Guadeloupe et en Martinique et dans les collectivités de Saint Martin et Saint Barthélemy, portés par l'Observatoire du Milieu marin martiniquais et le Comité régional des Pêches maritimes et des Elevages marins (CRPMEM). Figure aussi le projet de stratégie de lutte opérationnelle contre les espèces exotiques envahissantes à la Réunion, porté par le parc national de l'île. Frappé en octobre dernier par un incendie qui a ravagé près de 2.700 hectares, ce projet vise à enrayer la prolifération de ces espèces sur ces terrains mis à nu. D'autres projets retenus concernent la restauration pilote de forêts sèches en Nouvelle-Calédonie porté par le Conservatoire des espaces naturels, ou encore la restauration écologique sur le massif du Piton de la Fournaise dans l'Espace Naturel Sensible de Bois Blanc porté par la mairie de Sainte Rose (La Réunion).
En métropole, plusieurs projets lauréats visent également à rétablir les continuités écologiques sur des infrastructures de transport existantes et restaurer des zones humides (basse vallée de Canche dans le Nord Pas de Calais, forêt de Chinon , bassin versant de la Véore…) ou encore les marais de l'Ile de Noirmoutier.
Des projets de ''crapauducs'' sous voirie départementale pour permettre la circulation des amphibiens, espèces menacées, ont également été proposés par les Conseils généraux de l'Isère, de Savoie, du Doubs, des Hauts de Seine ou encore par la Communauté de communes du Val de Moselle. En Charente-Maritime, le projet visant à sécuriser les tronçons routiers entre Rochefort et La Rochelle pour permettre le passage des loutres et des visons d'Europe a aussi été retenu. Enfin, parmi les démonstrateurs en matière d'ingénierie écologique figure le projet d'utilisation des végétaux pour traiter les eaux usées en Martinique proposé par la société Cotram. Autre projet lauréat : la ré-estuarisation du Ster de Lesconil, à l'initiative de la commune de Plobannalec-Lesconil (29) permettant de lutter contre l'ensablement afin de restaurer les écosystèmes et lutter contre l'érosion de la dune.
Lancement du fonds Fibre et d'un nouvel appel à projets
Face à ''cette dynamique'' de projets, le gouvernement entend renforcer son soutien. NKM a annoncé hier le lancement du nouveau fonds d'investissement pour la biodiversité et la restauration écologique (Fibre) pour accompagner notamment la mise en œuvre de la Trame Verte et Bleue. Ce fonds va être créé ''dans les prochains jours'' par décret publié au Journal officiel, avec une dotation de 25 millions d'euros pour 2012, a précisé Nathalie Kosciusko-Morizet. Un nouvel appel à projet a également été lancé hier visant à promouvoir la prise en compte de la biodiversité dans les stratégies locales de développement forestier. La date limite de dépôt des dossiers est fixée au 15 avril prochain. La subvention de l'Etat à hauteur de 80% du montant total du projet est plafonnée à 60.000 euros.
Bientôt une gouvernance rénovée en faveur la biodiversité ?
Autre annonce de la ministre : l'ouverture jusqu'au 7 mars d'une consultation publique (2) sur le rapport remis le 3 février par le préfet Dominique Schmitt visant à réformer la gouvernance en matière de biodiversit (3) é ''afin d'associer toutes les parties prenantes'' (comité national trame verte et bleue, groupe national zones humides, conseil national de la protection de la nature, comité national de suivi et de concertation Natura 2000...). L'objectif étant de ''fonder une nouvelle gouvernance nationale'' basée uniquement sur ''deux instances" : un comité national de la biodiversité et un conseil scientifique et technique visant à renforcer l'expertise.
Le Grenelle prévoyait déjà la création d'une Agence unique de la Nature en 2010, qui aurait été le résultat de la fusion de plusieurs acteurs publics (conservatoire du littoral, agence des aires marines protégées, parcs nationaux de France…) mais ce projet ''a été repoussé", a indiqué la ministre faute de consensus contrairement au rapport de M. Schmitt qui ''a fait l'unanimité ", selon elle.
Dans un communiqué, la Ligue Roc a salué la création du fonds biodiversité et estime que les 62 projets soutenus par l'Etat ''témoignent de l'attente des acteurs à agir concrètement sur le terrain''. Mais pour l'association, "ces annonces ne masquent pas l'insuffisante mobilisation des autres ministères'' pour contribuer à la SNB. ''Où est la cohérence entre ces mesures positives et les annonces du Président de la République sur la réglementation environnementale tatillonne et les cadeaux électoraux faits aux chasseurs ?", s'interroge Christophe Aubel, Directeur de la Ligue Roc.
Si 230 parties prenantes ont à ce jour adhéré à la SNB, la ministre de l'Ecologie a appelé hier ''à un engagement plus fort" des organisations agricoles…