Le 3 septembre, le Gouvernement a présenté son plan de relance économique doté de 6,7 milliards d'euros pour la rénovation énergétique des logements privés, des locaux de TPE/PME, des bâtiments publics de l'État et des logements sociaux. Pour 2021 et 2022, quatre milliards d'euros seront ainsi consacrés à la rénovation énergétique des bâtiments tertiaires publics, comme les écoles et les universités. Deux milliards seront dédiés aux aides directes aux particuliers pour rénover leur logement. 500 millions d'euros sont également prévus pour la rénovation lourde des logements sociaux et 200 millions d'euros pour aider les TPE et PME à respecter le décret « tertiaire ». Ces mesures doivent être traduites dans le projet de loi de finances (PLF) 2021.
Les professionnels du BTP, les ONG, les spécialistes de l'efficacité énergétique saluent cette enveloppe dédiée à la rénovation énergétique. Ces acteurs appellent toutefois l'État à augmenter ses aides spécifiquement pour les ménages et à pérenniser l'activité des professionnels à plus long terme.
MaPrimeRénov' abondée mais pas suffisante pour éradiquer les « passoires »
Pour rappel, le Gouvernement s'est engagé à rénover 500 000 logements par an jusqu'en 2050 en commençant par
Pour l'Initiative Rénovons et l'ONG Réseau Action Climat (RAC), ajouter un milliard d'euros par an supplémentaires, via la prime, ne permet ni d'augmenter la performance des rénovations ni de diminuer le reste à charge pour les ménages les plus modestes. « L'augmentation des financements publics est la bienvenue, mais n'est pas encore de l'ordre de ce qui doit être envisagé pour permettre au minimum la rénovation des passoires énergétiques dans les années à venir », déplore l'Initiative Rénovons. Selon son étude parue en mai dernier, il faudrait 3,2 milliards d'euros, ciblés uniquement sur les passoires, chaque année jusqu'en 2040 pour y parvenir. Le collectif estime aussi qu'il faudrait rénover « 250 000 passoires énergétiques chaque année pendant 20 ans pour atteindre nos objectifs » .
Stabiliser les mécanismes d'aides publics-privés et lutter contre les fraudes
Même son de cloche de la part des groupes Effy et Primes Énergie, spécialistes des économies d'énergie. Ces délégataires de certificats d'économies d'énergie (CEE) s'inquiètent également des pratiques frauduleuses. Frédéric Utzmann, président d'Effy, s'étonne que « 5 milliards soient fléchés sur les bâtiments publics contre seulement 2 pour les 20 millions de logements individuels ! ». Pour s'assurer de l'efficacité de ce plan pour les consommateurs et les acteurs de la filière, Effy réclame aussi « stabilité et contrôle ». « L'augmentation de l'enveloppe budgétaire allouée à la rénovation énergétique doit aller de paire avec une stabilisation des mécanismes ainsi qu'un pilotage rigoureux des dépenses », explique M. Utzmann. Il est également « indispensable de prévoir des systèmes de contrôle associés aux travaux aidés ainsi que des sanctions adaptées en cas d'arnaque. Effy demande la mise en place de contrôles réguliers dès maintenant, sans attendre les dérives ».
Idem pour Nicolas Moulin, fondateur de Primes Énergie (groupe Vos Travaux Eco) : « On ne traitera pas près de 5 millions de passoires thermiques avec 2 milliards d'euros, et il est essentiel d'inscrire cette politique dans une logique de long terme. Par ailleurs, il faut prendre garde à l'effet d'aubaine auprès d'acteurs peu scrupuleux, poursuivre le renforcement drastique des contrôles et être plus exigeant avec le label RGE (Reconnu garant de l'environnement, ndlr) ». M. Moulin demande aussi de mobiliser « tous les leviers financiers publics et privés, parallèlement à la formation de suffisamment de professionnels dans le secteur, pour atteindre nos objectifs et ceux du plan de relance ».
Du côté des acteurs du BTP, les artisans de la Capeb (2) saluent la hausse du budget de MaPrimeRénov' mais jugent que ce n'est pas suffisant « pour répondre de manière efficace à une relance pérenne de l'activité de l'artisanat du bâtiment ». Jean-Christophe Repon, président de la Capeb, déclare « que pour atteindre cet objectif ambitieux de logements rénovés, il faudra également réunir plusieurs conditions, notamment simplifier le dispositif RGE, fluidifier le dispositif des CEE, accompagner les entreprises et informer les clients ». La Capeb demande au Gouvernement de fluidifier ces dispositifs, de les rendre plus lisibles et plus stables. Concernant la rénovation des bâtiments publics et des logements sociaux, « nous rappelons que nous sommes attachés à ce que les entreprises artisanales puissent réaliser une part significative de ces futurs marchés, ce qui passe par davantage de recours à l'allotissement et plus de simplification des cahiers des charges », ajoute M. Repon.
Le logement neuf, « angle mort du plan de relance »
Enfin, si la Fédération française du bâtiment (FFB) se félicite du budget pour la rénovation énergétique, elle regrette toutefois « l'absence de dispositif pour relancer la construction neuve ». Le logement neuf est « l'angle mort du plan de relance », déplore aussi la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI).
Deux aides pour le neuf sont prévues : une aide aux maires « densificateurs » de 350 millions d'euros sur deux ans et un fonds « friches » de 300 millions d'euros. Cependant, celles-ci ne sont pas suffisantes pour les fédérations. Des compléments au plan de relance sont donc « nécessaires et urgents », jugent la FPI et la FFB. « Cela passe notamment par un retour au PTZ (prêt à taux zéro) à 40 % pour toutes les zones et par une prolongation du Pinel au-delà de 2021 », réclame la FFB.