« Un moment historique et rare. » C'est ainsi qu'Emmanuel Macron a qualifié la présidence française de l'Union européenne (PFUE), qui s'ouvre le 1er janvier prochain pour six mois. D'autant plus rare que cette présidence se superpose avec la campagne électorale française et que le locataire de l'Élysée pourrait changer avant la fin du semestre.
Les attentes dans le domaine de l'environnement sont très importantes alors que la Commission européenne a présenté de nombreuses propositions législatives ces derniers mois. La présidence française va, en effet, être déterminante pour lancer la mise en œuvre de ces propositions. Emmanuel Macron a annoncé des échanges fournis avec le président du Conseil européen, Charles Michel, la présidente de la Commission, Ursula Von der Leyen, et le Parlement, auquel il s'adressera, le 19 janvier. Un sommet des 27 chefs d'États et de gouvernements aura également lieu, les 10 et 11 mars, afin de « définir un nouveau modèle de croissance » , qui pourrait permettre de sortir « certaines catégories d'investissements » des règles du pacte de stabilité. Une perspective rendue moins difficile avec l'arrivée en Allemagne de la nouvelle équipe dirigeante, menée par Olaf Scholz.
Mais la devise retenue pour cette présidence « Relance – Puissance – Appartenance », tout comme l'absence de toute question portant sur l'environnement lors de la conférence de presse tenue par Emmanuel Macron, ce jeudi 9 décembre, est, à cet égard, quelque peu déconcertante. Pour le Réseau Action Climat (RAC), qui fédère les associations luttant contre les causes des changements climatiques, la réussite de la PFUE repose sur trois conditions. « La France devra arrêter de freiner l'ambition climatique du Green Deal. Elle ne doit pas se focaliser sur des totems électoraux. Elle ne doit pas utiliser la PFUE comme une tribune pour les intérêts nationaux, comme le nucléaire », explique Neil Makaroff, responsable des politiques européennes au sein de l'ONG.
Ajustement carbone aux frontières
Quelles sont les priorités présentées par Emmanuel Macron ? En premier lieu, le président de la République entend mettre en œuvre les propositions de la Commission européenne en matière de lutte contre le changement climatique. C'est-à-dire faire avancer les douze propositions de textes présentées par Bruxelles, le 14 juillet 2021, à travers son paquet législatif « Fit-for-55 ». Celui-ci vise à réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) d'ici à 2030 et traduire l'objectif de neutralité carbone en 2050, annoncé lors de la présentation du Pacte vert, en décembre 2019. Dans ce cadre, le président entend électrifier et décarboner tout ce qui peut l'être. Il se garde toutefois de prononcer les mots « nucléaire » ou « taxonomie », qui polarisent actuellement les débats au sein de l'Union.
L'un des principaux objectifs de la présidence française est de mettre en place un ajustement carbone aux frontières, a annoncé le chef de l'État. Un mécanisme destiné à donner un prix à la composante carbone des produits importés afin d'éviter un « biais de compétitivité » en défaveur des entreprises européennes.
Adopter des clauses miroirs
De la même façon, Emmanuel Macron entend mettre en cohérence les politiques commerciales, d'une part, et les politiques climatiques et de biodiversité, d'autre part, à travers l'adoption de clauses dites « miroirs ». C'est-à-dire intégrer dans les accords commerciaux des clauses environnementales et sociales équivalentes aux exigences qui s'imposent aux producteurs européens. « Mais la taxe carbone ne doit pas être un chiffon rouge pour ne pas réguler l'appareil productif », prévient Clément Sénéchal, chargé de campagne climatique chez Greenpeace France.
Enfin, le président souhaite mettre à l'agenda la mise en œuvre d'un instrument européen de lutte contre la déforestation importée. La Commission a présenté, le 17 novembre, une proposition de règlement ambitieuse en la matière. Le président a rappelé à cet égard, comme il l'avait fait lors du One Planet Summit de janvier 2021, que les deux agendas climat et biodiversité étaient liés. Mais le chef de l'État ne souhaite visiblement pas bousculer l'agriculture, alors qu'il veut « défendre l'excellence de notre modèle agricole » au niveau de l'UE.
L'interdiction des pesticides n'est mentionnée que dans une longue énumération, comme si Emmanuel Macron avait oublié son annonce d'une initiative pour une sortie accélérée des pesticides, faite lors du Congrès mondial de l'UICN à Marseille, le 3 septembre dernier. « Il y a un potentiel à saisir », rappelle pourtant Pauline Rattez, responsable des politiques agricoles à la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), avec l'expiration de l'autorisation du glyphosate en 2022 et la possibilité de mettre fin aux dérogations dont bénéficient encore les insecticides néonicotinoïdes.
Des thématiques passées sous silence
« Une victoire sur la taxe carbone aux frontières seule ne suffira pas à faire de la PFUE un succès pour le climat. Le climat et les Européens ont besoin de compromis ambitieux sur l'ensemble des législations du Green Deal qui touchent à leur vie quotidienne », résume le RAC.
Parmi celles-ci figurent notamment des textes sur l'efficacité énergétique, sur la rénovation énergétique des bâtiments, sur la fin de la vente des véhicules thermiques ou sur la réforme du marché carbone. Mais le chef de l'État est resté pour l'instant très discret sur ces sujets.