Si les gouvernements européens s'engageaient vers des réformes fiscales environnementales bien étudiées, ils pourraient simultanément réduire les impôts sur le revenu, stimuler l'innovation et réduire la pollution. Telle est la principale conclusion de deux rapports publiés lundi 9 janvier 2012 par l'Agence européenne de l'environnement (AEE). Par réforme fiscale environnementale, l'AEE entend une "réforme du système fiscal national qui transfert par exemple la charge fiscale du travail vers les activités dommageables pour l'environnement, telles que l'utilisation non-durable des ressources ou la pollution". La taxe carbone est au cœur de cette problématique.
Un premier document s'intéresse aux opportunités offertes aux éco-innovations (1) par une telle réforme. Le second rapport traite de l'impact sur l'échelle des revenus dans les sociétés européennes (2) .
Allouer les fonds vers l'innovation
L'AEE identifie quatre effets possibles associés à une réforme fiscale environnementale : le renchérissement du prix de certains biens et services, les effets directs et indirects liés à la redistribution des fonds levés, la création d'emplois et le soutien à l'innovation, ainsi que les bénéfices environnementaux.
Le modèle utilisé par l'AEE fait apparaître qu'une hausse de la fiscalité sur l'énergie couplée à une baisse des charges sociales et de l'impôt sur les revenus "entraînerait un bénéfice financier pour quasiment tous les groupes socio-économiques", annonce l'Agence, reconnaissant néanmoins que "dans quelques pays les personnes les plus pauvres pourraient subir des effets négatifs car ils dépensent une part proportionnellement plus importante de leurs revenus dans l'énergie".
Par ailleurs, l'AEE insiste en particulier sur l'impact positif sur l'innovation via l'allocation des fonds levés au travers des taxes environnementales vers "des incitations à innover, comme le développement des énergies renouvelables". De plus, l'Agence considère que "pour des pays industrialisés tels que l'Europe, de tels mécanismes sont à l'origine de nouvelles technologies qui peuvent être exportées mondialement".
Acceptabilité des réformes fiscales
Pour appuyer son raisonnement liant les taxes environnementales à une accélération de l'innovation, l'AEE cite deux pays : l'Allemagne et les Pays-Bas. Ainsi, "l'effet économique le plus important associé à une réforme fiscale environnementale a été enregistré en Allemagne où la fiscalité environnementale a réduit le montant des cotisations de retraite et créé environ 255.000 emplois", avance l'AEE.
Reste que "l'un des défis des réformes fiscales environnementales" est d'assurer que les coûts et les avantages soient bien distribués dans la société afin de ne pas aggraver les conditions de vie des plus pauvres. De même, il s'agit de trouver un équilibre entre les avantages environnementaux et les incitations économiques. Enfin, l'AEE pose une condition sine qua non au succès d'une telle stratégie : le public et les décideurs doivent être convaincus de l'intérêt de telles réformes fiscales.
Impact du prix du carbone
L'AEE apporte aussi, et surtout, des arguments aux défenseurs du prix du carbone et d'une politique climatique ambitieuse puisqu'elle a tout particulièrement évalué quel impact pourrait avoir le recours à la fiscalité environnementale dans le cadre de la mise en œuvre de l'objectif de réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2020, par rapport à 1990.
L'agence s'est donc penchée sur le rôle que pourrait jouer une taxe carbone couplée à une redistribution des fonds collectés vers le soutien à l'innovation, la baisse des charges sociales et de l'impôt sur le revenu. Une telle stratégie "pourrait accroître de plus d'un million le nombre d'emplois en Europe avec un faible impact sur la croissance (0,04%) et l'atteinte de l'objectif de réduction des émissions", estime l'AEE.
En Allemagne, une baisse des charges sociales financées par une taxe carbone à 68 euros la tonne de CO2 émise en 2020 permettrait la création de 152.000 emplois. Cependant, le modèle économétrique allemand servant de base à l'étude estime que cette stratégie pourrait avoir un impact sur les plus faibles revenus qui verraient leur revenu disponible reculer de 1% à l'échéance 2020. Un impact qu'"il serait relativement simple et abordable de compenser via des avantages sociaux ciblés", relativise l'Agence.