Depuis l'annonce de cette décision, la Commission européenne planche sur un ensemble de mesures législatives visant à traduire cet objectif commun en programme d'action dans les États membres.
Après des mois de débats internes et de pressions de la part des Etats membres et des industriels, la Commission européenne vient de rendre public son plan visant à honorer ce triple objectif, à lutter contre le changement climatique et réduire la dépendance énergétique de l'Europe. Cette semaine, la Commission européenne entend passer à l'action pour concrétiser les engagements de l'Union européenne, a déclaré le président de la Commission européenne, José Manuel Durão Barroso. La lutte contre le changement climatique est fondamentale pour protéger l'avenir de notre planète. En outre, elle offre à l'Europe de grandes perspectives. L'heure est venue de les mettre pleinement en œuvre, en toute confiance.
Ce plan décrit les mesures que doit mettre en place chaque pays pour parvenir à l'objectif de l'Union européenne et notamment de réduire ces émissions de gaz à effet de serre de 20% par rapport à 1990 avant 2020. Il contient des propositions sur les énergies renouvelables, les biocarburants ainsi que sur la répartition de la « charge » du CO2 entre les Etats. L'une des mesures consiste également en un renforcement du système européen d'échanges et de quotas d'émissions (SCEQE) pour l'après 2013, couvrant un éventail plus large d'émissions et permettant aux entreprises établies dans un pays de l'Union d'acheter des quotas d'émissions dans n'importe quel autre pays.
Se fondant sur ce système, la Commission propose de renforcer le marché unique du carbone pour l'ensemble de l'UE, qui couvrira un plus grand nombre de gaz à effet de serre (actuellement, seul le CO2 est pris en compte) et concernera l'ensemble des grandes entreprises polluantes. Les quotas d'émissions mis sur le marché seront réduits d'année en année pour permettre une réduction de 21% des émissions relevant du SCEQE d'ici à 2020 par rapport aux niveaux de 2005. Le secteur de l'électricité, responsable de la plus grande partie des émissions de l'UE va devoir intégralement payer pour obtenir des droits à polluer à compter de 2013. Pour les autres secteurs industriels, comme les industries de l'aluminium et les producteurs d'ammoniaque, ainsi que l'aviation, la mise aux enchères intégrale sera instaurée progressivement, une exception pouvant toutefois être prévue pour les secteurs particulièrement vulnérables à la concurrence des producteurs établis dans des pays qui ne sont pas soumis à des contraintes carbone comparables, a souligné la Commission dans un communiqué.
Les recettes provenant du système d'échange de quotas d'émission seront versées aux États membres et devraient être utilisées pour aider l'UE à s'orienter vers une économie respectueuse de l'environnement en soutenant l'innovation dans des domaines tels que les sources d'énergie renouvelables, le piégeage et le stockage du carbone et la R&D. Une partie des recettes devrait également être consacrée à aider les pays en développement à s'adapter au changement climatique. La Commission estime que les recettes du système de mise aux enchères pourraient atteindre 50 milliards d'euros par an en 2020. Dans le nouveau système, la commission prévoit que plus de 40% des émissions totales seront soumises au SCEQE mais précise qu'afin de réduire la charge administrative, les installations industrielles émettant moins de 10.000 tonnes de CO2 ne devront pas participer au système. Pour Stavros Dimas, membre de la Commission européenne chargé de l'environnement, ces mesures montrent à nos partenaires mondiaux qu'une action forte pour lutter contre le changement climatique est compatible avec le maintien de la croissance économique et de la prospérité. Il permet à l'Europe de mener le combat pour une économie planétaire à faible intensité carbonique en déclenchant une vague d'innovation et de création d'emplois dans le secteur des technologies propres.
De manière à garantir la contribution de tous, chaque Etat va se voir attribuer un plafond d'émissions de CO2 pour les secteurs non couverts par le système d'échange de quotas, c'est-à-dire principalement les transports, le bâtiment, l'agriculture et les déchets. L'objectif : ramèner les émissions de l'UE à 10% au dessous des niveaux de 2005 d'ici à 2020. La répartition de l'effort devra se faire en fonction du PIB par habitant. Pour chaque État membre, la Commission propose ainsi un objectif spécifique de réduction ou, dans le cas des nouveaux États membres, de limitation des émissions jusqu'en 2020. La fourchette varie de -20% à +20%. Ainsi la France et l'Allemagne devront réduire leurs émissions de 14% d'ici 2020, le Danemark de 20%, la Belgique de 15% et la Suède de 17%. La Pologne par exemple pourra quant à elle augmenter ses émissions mais de façon limitée à 14%.
Une autre mesure du plan présenté aujourd'hui vise à attribuer à chaque pays des objectifs contraignants en matière de part des énergies renouvelables dans la consommation. Aujourd'hui, la part d'énergie renouvelable dans la consommation finale d'énergie de l'UE est de 8,5%, si bien qu'une augmentation moyenne de 11,5% est nécessaire pour atteindre l'objectif de 20% en 2020. La France devra ainsi les faire passer de 10,3% en 2005 à 23% en 2020, l'Allemagne de 5,8% à 18%, la Suède de 39,8% à 49%, la Pologne de 7,2% à 15% et le Royaume-Uni de 1,3% à 15%. Les États membres pourront y participer en concourant à l'effort européen global dans le domaine des sources d'énergie renouvelables, sans se limiter nécessairement au territoire national. Cette mesure doit permettre de diriger les investissements vers les lieux de production d'énergie renouvelable les plus rentables, permettant ainsi une économie de 1,8 milliard par rapport au coût annoncé de la réalisation de l'objectif, note la Commission.
En outre, la Commission a présenté une communication sur la capture et le stockage du carbone (CSC) assortie d'une proposition de révision des règles européennes actuelles en matière d'aides d'Etat destinées à permettre davantage de subvention à des fins écologiques. Les nouvelles mesures sont doublement avantageuses car elles permettront à la fois aux États membres de financer des projets environnementaux et à l'UE de dynamiser sa croissance économique, estime Neelie Kroes, membre de la Commission chargée de la concurrence.
Enfin, la proposition comporte un objectif minimal à atteindre d'ici à 2020 dans le secteur des transports, à savoir une part de 10% de biocarburants dans la consommation à l'échelon de l'UE. Ce pourcentage est le même pour tous les États membres et accompagné de critères visant à garantir une certaine durabilité.
Le président de la Commission a promis que la facture annuelle pour mettre en oeuvre ce plan serait limitée à 0,5% du PIB européen, soit 60 milliards d'euros. Ce qui correspond à environ 3 euros par semaine et par personne dans l'UE, a assuré le président de la Commission européenne, José Manuel Durão Barroso.
En France, parmi les premières réactions, on notera celles des associations. Le RAC-F et ses associations membres se sont rapidement félicités de la proposition de la Commission visant à harmoniser l'ensemble des règles d'allocation des quotas au niveau européen. Pour Damien Demailly du WWF, ce sont des avancées significatives. On peut toutefois regretter que plusieurs secteurs pour lesquels la concurrence internationale n'est objectivement pas un problème - comme l'aviation - aient réussi, après un intense lobby, soutenu par certains gouvernements, à éviter une mise aux enchères de tous leurs quotas, estime-t-il. C'est un cadeau financier pour ces secteurs, et un manque à gagner pour le soutien de politiques climatiques en Europe et dans les pays en développement.
Par ailleurs, pour Raphaël Claustre du Comité de Liaison des Énergies Renouvelables (CLER), la réalisation de l'objectif de 20% d'énergies renouvelables constitue une étape déterminante pour lutter efficacement contre le changement climatique, en s'appuyant sur des ressources énergétiques locales qui améliorent notre indépendance énergétique et l'économie des territoires.
En revanche le Réseau Action Climat France (RAC-F) estime que l'objectif proposé par la Commission pour la France est très en deçà de ce que le pays s'est déjà engagé à fournir comme effort pour se conformer à la loi française de juillet 2005, dite loi « POPE », qui prévoit une réduction de 75% des émissions nationales d'ici 2050. Le RAC-F appelle donc la France à ne pas se contenter de l'objectif proposé par la Commission mais à exploiter le fort potentiel dont elle dispose pour atteindre une réduction d'au minimum 30% de ses émissions d'ici 2020. Le RAC-F se déclare par ailleurs inquiet des modalités d'atteinte de l'objectif de réduction des émissions, la Commission permettant aux Etats membres de recourir aux crédits externes (issus du Mécanisme de Développement Propre notamment) pour respecter un tiers de leur objectif chiffré. Et ce, alors que les Etats, en vertu du Protocole de Kyoto, ne doivent utiliser ces crédits qu'en supplément de leurs actions nationales.
La fédération France Nature Environnement, considère, de son côté, que l'obligation contraignante d'incorporation de 10 % d'agrocarburant dans les carburants conventionnels va accélérer l'intensification agricole et son cortège de dégâts collatéraux sur l'eau, sur l'air, sur les sols et sur la biodiversité. La seule valorisation efficace des agrocarburants est l'huile brute produite et utilisée à la ferme, indique Lionel Vilain, responsable du dossier agrocarburants à FNE. Pour le reste, nous regrettons que la Commission ne tienne pas compte des récents rapports qui remettent en cause le bilan environnement des agrocarburants.
Quant au WWF, il regrette le manque d'ambition générale de la Commission sur la politique de réduction des émissions de GES et le fait qu'elle ait cédé aux sirènes de l'égoïsme de certains intérêts particulier, qu'ils émanent des Etats ou des lobbies industriels. En revanche, l'Organisation se félicite de certaines avancées dans le domaine des énergies renouvelables ainsi que de l'harmonisation du marché des quotas de CO2.
Ces mesures devront désormais être négociées dans le détail par les Etats membres et le Parlement européen. Devraient donc suivre plusieurs modifications et aller-retours entre la Commission, le Parlement européen et le Conseil. Les négociations s'annoncent donc difficiles. Néanmoins la Commission espère un accord pour la fin de l'année 2008. Les premières conclusions ministérielles sur ce plan sont attendues pendant la présidence française de l'UE. La France aura donc un rôle crucial à jouer pour l'adoption rapide de ces mesures. Le ministre de l'Ecologie Jean-Louis Borloo a d'ores et déjà fait savoir que le pays sera au rendez-vous, estimant que les propositions de la Commission constituent une base solide pour la mise en place d'une politique européenne ambitieuse de lutte contre le changement climatique. La France fera de l'adoption du paquet 'climat-énergie' une des toutes premières priorités de sa présidence de l'Union européenne au second trimestre 2008, a-t-il assuré dans un communiqué, promettant que le pays deviendra en 2020 l'économie la plus sobre en carbone de l'Union européenne.
L'objectif est en effet d'adopter les mesures en 2008, avant la conférence mondiale qui se tiendra à Copenhague en 2009 où un accord global doit être trouvé sur l'avenir du Protocole de Kyoto. Le projet actuel prévoit une transposition dans les Etats membres pour le 31 mars 2010.