Dernier avertissement en date, celui du Centre Commun de Recherche (JRC). L'organisme scientifique de la Commission européenne a été sollicité pour se prononcer sur l'objectif d'incorporation de 10% de biocarburants que la Commission envisage d'intégrer dans la future directive sur les énergies renouvelables. Dans une note interne dévoilée par l'association Les Amis de la Terre, le JRC analyse les avantages et inconvénients des agrocarburants, en termes d'émissions de gaz à effet de serre, d'amélioration de la sécurité des approvisionnements et de la création d'emplois. Selon l'association, le rapport donne clairement un zéro pointé dans ces trois domaines.
Le Centre Commun de Recherche conclurait qu'il n'y a aucune certitude que l'objectif d'incorporation de 10% de biocarburants dans les carburants automobiles permettrait d'économiser des GES à cause des effets indirects lors de la culture des produits agricoles. Le JRC expliquerait également que l'utilisation d'engrais azotés a une incidence nettement plus importante sur les émissions de gaz à effet de serre et que le changement de vocation des terres (déforestation, drainage de tourbières ou labourage de pâturage) pouvait potentiellement relâcher suffisamment de gaz à effet de serre pour annihiler les gains des biocarburants.
Concernant la création d'emplois, le JRC semble tout autant pessimiste et craint que les gains dans le secteur des biocarburants soient compensés par des pertes dans d'autres secteurs touchés par cet objectif. Le Centre Commun de Recherche conclurait ainsi que l'effet net sur l'emploi sera insignifiant.
Enfin, en termes de sécurisation de l'approvisionnement, le JRC conseillerait à l'Union européenne de mieux investir dans des capacités de stockage supplémentaires pour créer une réserve de pétrole stratégique, plutôt que d'investir des sommes plus importantes dans les biocarburants qui ne donneront qu'une réponse limitée au problème de l'insécurité des approvisionnements. Il y aurait un effet positif, mais son importance est minime comparée aux coûts, estimerait le JRC selon l'association.
Au final, selon cette note, les inconvénients de l'utilisation des agrocarburants sembleraient peser plus lourds que les avantages. Les Amis de la Terre relate ainsi que le JRC estime qu'en fixant cet objectif obligatoire sur les biocarburants, on ponctionnera les caisses publiques, avec une probabilité de 80%, d'une somme comprise entre 33 et 65 milliards d'euros alors qu'en consacrant les mêmes sommes aux développements de la biomasse, on pourrait obtenir une diminution des gaz à effet de serre nettement plus importante, uniquement en fixant des objectifs globaux, au lieu de les limiter aux seuls transports.
La diffusion de la position du JRC intervient dans un contexte tendu à l'heure où la commission européenne s'apprête à présenter sa feuille de route pour le développement des énergies renouvelables en Europe. Selon Euractiv, une commission parlementaire britannique a même appelé à la mise en place d'un moratoire sur la promotion des biocarburants ; demande vivement refusée par les commissaires européens à l'Energie et à l'Agriculture Andris Piebalgs et Mariann Fischer Boel.
De plus les biocarburants ne sont pas le seul sujet de mésentente. À quelques jours de la présentation de la directive prévue mercredi prochain, le lobbying des Etats membres et de certains industriels est intensif.
La proposition de répartir l'effort sur la base d'objectifs nationaux fixés en fonction du PIB par habitant fait partie des points controversés. Selon l'AFP, le chef de l'Etat français, Nicolas Sarkozy, refuse le principe du PIB par habitant et demande de retenir le niveau de départ des émissions par habitant, faible en France grâce au nucléaire. Le débat est également houleux sur la mise aux enchères ou non des quotas d'émissions de CO2 et sur la mise ne place ou non d'un traitement spécial pour les secteurs très consommateurs d'énergie. Plusieurs Etats membres dont la France, l'Allemagne, ou la Roumanie ont par ailleurs insisté sur les risques de délocalisations massives si les entreprises européennes devaient payer de plus en plus cher leurs droits à polluer.
Cette directive, très attendue, devra être la traduction du triple objectif que les 27 Etats membres se sont fixé en mars 2007 : réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20% par rapport à 1990 à l'horizon 2020, gagner 20% en termes d'efficience énergétique et faire passer la part des énergies renouvelables dans la consommation totale d'énergie à 20% d'ici à 2020.