Le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a publié le 9 février les premières conclusions de la Commission Energie 2050 (1) installée en octobre 2011. Chargée de mener une analyse des différents scénarios possibles de politique énergétique pour la France à l'horizon 2050, cette commission devrait rendre son rapport définitif le 13 février prochain. Mais le ministre de l'Energie Eric Besson a semble-t-il déjà tiré ses conclusions : "La politique énergétique du Gouvernement, assise sur l'efficacité énergétique, le développement des énergies renouvelables et le maintien d'un socle nucléaire toujours plus sûr et plus transparent, est la bonne politique", peut-on lire dans le document du ministère.
Le ministre estime que le Grenelle de l'Environnement doit être poursuivi notamment en mobilisant la R&D et l'innovation dans les secteurs du bâtiment et des transports. Le développement des énergies renouvelables n'est pas remis en cause mais il doit avoir deux objectifs majeurs selon le ministère de l'Energie : la création d'emplois industriels en France et l'atteinte de la compétitivité par rapport aux autres sources d'énergie. "Les emplois créés par les filières des énergies renouvelables ne seront réellement des emplois créés qu'à la condition que les coûts des filières renouvelables rejoignent ceux des autres filières", prévient le ministère.
Maintien du processus de prolongation des centrales au-delà de 40 ans
Une résolution en faveur du nucléaire au Sénat
Du fait de l'abstention des radicaux de gauche, le Sénat a adopté, jeudi 9 février, la proposition de résolution de Jean-Claude Gaudin (UMP) relative à la filière industrielle nucléaire française. Cette résolution "met en garde contre toute déstabilisation brutale de la filière au risque notamment de préjudicier à la sûreté nucléaire".
Dans son exposé des motifs le sénateur s'inquiète de voir le consensus politique entre la droite et la gauche dont fait l'objet ce sujet depuis plus de 65 ans être remis en cause : "nous considérons qu'une vraie réflexion sur la diversification de notre production d'électricité est nécessaire (…) mais cette réflexion ne doit pas remettre en cause la modernisation de notre parc nucléaire et son développement à l'international".
D'après la Commission Energie 2050, réduire la part du nucléaire à l'horizon 2020 ou 2025 nécessiterait des décisions politiques "lourdes" dans le prochain quinquennat, notamment à court terme la fermeture de réacteurs nucléaires et le lancement d'"investissements considérables" pour les remplacer. Des décisions que ne souhaite pas prendre le gouvernement actuel en raison de la "crise financière profonde".
Bercy demande par conséquent à EDF de poursuivre le travail engagé avec l'Autorité de Sureté Nucléaire (ASN) pour préparer les premières réponses attendues pour 2015 sur la possibilité de prolonger le parc au-delà de 40 ans. "Le moment de décider des moyens, nucléaires ou non, qui remplaceront les réacteurs nucléaires actuels n'est pas venu", explique la Commission. Si en 2015 les avis de l'ASN sont favorables, la question du remplacement des réacteurs actuels ne se posera qu'à partir de 2025. C'est d'ailleurs pour prendre en compte ces échéances que la prochaine programmation pluriannuelle des investissements de production électrique, à élaborer d'ici 2013, portera à l'horizon 2030.
Relance du projet d'EPR à Penly
Même si le parc nucléaire est maintenu, Eric Besson estime que "l'intérêt de la poursuite du projet d'EPR à Penly est confirmé", et permettra de "disposer de marges de manoeuvre pour garantir l'approvisionnement sûr tout en préservant la capacité à prendre toute décision relative à la sûreté du parc."
Le projet d'EPR de Penly (Seine-Maritime) est le deuxième d'EDF avec celui de Flamanville. Sa mise en service est désormais prévue pour 2016 après avoir été reportée de quatre ans. L'enquête publique sur le projet a été reportée en octobre dernier. Elle devrait désormais avoir lieu en 2012.
Une "déclaration d'amour au nucléaire" selon le RAC
Les prises de positions du Gouvernement sur le futur énergétique de la France n'étonnent pas le Réseau Action Climat (RAC) qui n'y voit que le résultat d'une réflexion menée par des "personnalités qualifiées largement acquises à la cause nucléaire". L'association critique également les chiffres utilisés et le manque de recul et de globalité de l'analyse. "Le rapport Besson propage sans aucun recul le cliché mensonger d'un nucléaire bon pour le climat. C'est oublier que, de l'extraction de l'uranium à la construction des centrales en passant par la fabrication du combustible, l'industrie du nucléaire émet des quantités non négligeables de gaz à effet de serre."
Un projet de rapport de la Commission Energie 2050 publié par le journal Médiapart fin janvier avait déjà essuyé de vives critiques notamment de la part de deux spécialistes de Global Chance qui qualifiaient l'exercice de "médiocre (…), biaisé par des erreurs factuelles, des non dits, des hypothèses implicites et des omissions majeures, sans aucune analyse de cohérence, ni aucun recul par rapport aux études analysée".