Que contient "l'accord formidable" signé avec Benoît Hamon jeudi pour que Yannick Jadot accepte de retirer sa candidature et prive le mouvement écologiste d'un candidat à la présidentielle pour la première fois depuis 1974 ? Outre le volet politicien de l'accord, des désistements aux législatives, le candidat issu de la primaire des écologistes a en effet obtenu des engagements sur un grand nombre des dispositions de son programme. Il faut dire que Benoît Hamon consacrait déjà une place non négligeable à la transition énergétique et à la dette environnementale dans le sien.
L'accord a été validé par les adhérents et sympathisants d'Europe Ecologie Les Verts (EELV), le "oui" l'ayant emporté à 79%. Un vote dans le prolongement de la précédente consultation à travers laquelle 90% d'entre eux s'étant prononcés en faveur de la recherche d'un rapprochement avec Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon. Le rapprochement avec ce dernier ne se fera en revanche pas, le leader de la France insoumise ayant confirmé au candidat socialiste qu'il maintenait sa candidature quoi qu'il arrive.
Sortie du nucléaire en 25 ans
La transition énergétique figure en bonne place dans l'accord. "On sort du nucléaire en 25 ans", annonce Yannick Jadot, sans pour l'instant préciser les centrales à fermer en priorité. Un engagement un peu en retrait de son programme qui visait la sortie pour 2035 et condamnait explicitement le projet d'EPR.
La sortie sera progressive, avec une fermeture des premiers réacteurs durant le quinquennat, respectant l'échéance de 50% d'électricité nucléaire en 2025 promise par François Hollande en 2012. L'accord prévoit également la fin du projet Cigéo de stockage de déchets radioactifs en couches géologiques profondes au profit de stockage en subsurface couplé à la recherche d'alternatives.
L'objectif est aussi une sortie des énergies fossiles en 2050 au profit d'une France 100% renouvelable, avec une production énergétique fondée sur "des contrats territoriaux contraignants et des coopératives citoyennes". Un grand plan d'efficacité et de sobriété énergétique est également inscrit dans l'accord.
Une nouvelle Constitution reconnaissant les biens communs
Au niveau institutionnel, un accord a été trouvé pour bâtir un projet de Constitution pour une VIe République, qui reconnaîtra l'écologie et les biens communs. Concernant l'organisation gouvernementale, un poste de vice-Premier ministre au développement durable sera créé en vue de garantir la prise en compte transversale de cet enjeu.
En terme de fiscalité, les deux responsables politiques sont tombés d'accord sur un plafonnement, suivi de la suppression, de toutes les niches fiscales défavorables à l'environnement, la mise en place d'une taxe carbone "substantielle", ainsi qu'une fiscalité favorable aux transports propres. La restauration de l'écotaxe poids lourds n'est toutefois pas mentionnée en tant que telle. Les projets de loi de finances devront par ailleurs être compatibles avec les objectifs climatiques. "Nous ne devrons pas trembler pour mettre en œuvre la transition écologique et aligner notre budget sur les exigences de la COP 21", a confirmé Benoît Hamon.
La transition énergétique est également prise en compte au niveau des engagements européens et internationaux des deux parties. L'union énergétique, précise la plateforme, mettra en œuvre l'Accord de Paris avec un plan d'investissement de 1.000 milliards d'euros et la mise en place de la taxe sur les transactions financières. Les prêts de la Banque européenne d'investissement (BEI), garantis par la Banque centrale européenne (BCE), seront fléchés vers la transition énergétique, les transports du quotidien et le numérique. L'accord prévoit également de s'opposer aux accords de libre-échange tels que le Tafta ou le Ceta.
Sortie du diesel d'ici 2025
Un autre volet de l'accord porte sur la santé environnementale. Y figurent, sans davantage de précisions, la sortie du diesel pour les véhicules légers à horizon 2025, l'interdiction des pesticides et des perturbateurs endocriniens, ainsi qu'un strict encadrement des nanotechnologies.
En matière d'économie circulaire, la plateforme se positionne en faveur d'une "sortie programmée de l'incinération" et de plans déchets sur l'ensemble du territoire. Là aussi, les signataires entendent jouer sur la fiscalité avec une modulation de la TVA en fonction de la durée de vie des produits et de leur potentiel de réparation, conformément aux engagements des deux candidats.
Yannick Jadot et Benoît Hamon se sont également accordés sur l'organisation d'un Grenelle de l'alimentation et de l'agriculture avec, au menu, la maîtrise du foncier agricole, la fin des élevages industriels et la réorientation de la politique agricole commune (PAC) vers la durabilité et l'agriculture biologique. Du bio qui devrait être développé de manière intensive dans la restauration collective. Cette mesure pourrait être aidée par la généralisation des clauses environnementales dans les marchés publics prônée par ailleurs. Aucun calendrier n'est ici avancé.
NDDL et Lyon-Turin abandonnés
Autre mesure emblématique de l'accord, Benoît Hamon confirme l'abandon du projet d'aéroport sur le site de Notre-Dame-des-Landes, tout comme d'ailleurs la liaison ferroviaire Lyon-Turin. L'accord prévoit la mise en œuvre de deux conférences de consensus destinées à étudier les alternatives à ces grands projets, "dans le respect du légitime développement urbain de Nantes" pour le premier. Une approche que les signataires souhaitent adopter pour tout projet d'importance dès lors qu'est établie "l'existence d'un lourd impact écologique".
En matière d'infrastructures de transport, les deux responsables politiques souhaitent privilégier le train plutôt que la route. L'occasion de tacler le candidat Macron à travers les bus du même nom. De manière plus générale, il s'agit d'enrayer "l'artificialisation des sols afin de protéger la biodiversité, les terres agricoles et les espaces naturels en luttant notamment contre l'étalement urbain", complètent les deux protagonistes.