Du coup, se plaît à souligner le député (Verts) Yves Cochet, ''lorsque la demande est moindre, nous produisons beaucoup trop'', parce que le réseau est surdimensionné pour répondre aux appels de puissance pendant les grands froids : ''il existe une contrainte structurelle sur le système électrique : il faut produire à tout instant autant d'électricité que la demande. Il n'y a en effet que très peu de stockage. La pointe de puissance est le moment de l'année où la demande est la plus importante, à cause du chauffage électrique. C'est cette pointe de puissance qui entraîne un surdimensionnement considérable, même pour quelques heures par an. Nous sommes donc en face d'une contradiction majeure du système électrique français : d'un côté nous avons un parc électronucléaire excédentaire en base – lorsque la demande est moindre, nous produisons beaucoup trop – et, de l'autre, une demande excédentaire en pointe''.
EDF, pilote de la stratégie énergétique française
La revue Global Chance se penche sur cette difficulté. Dans une livraison de janvier 2010, réalisée et éditée conjointement avec l'association négaWatt, la revue propose une analyse fournie du système énergétique français. Selon ses auteurs, le débat sur les orientations énergétiques n'a pas cours. Celui du 27 janvier, à l'Assemblée nationale, a été demandé par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, mais n'a mobilisé qu'une vingtaine de députés. Et à l'issue des trois heures de discussion, bien des questions sont en attente de réponse, qu'il s'agisse du dimensionnement du réseau, des investissements à effectuer pour enfouir les lignes, ou de l'entretien même des réseaux électriques par ERDF pour lesquels le ministre d'Etat a annoncé 1,5 milliard d'euros. Evoquant la récente nomination de Henri Proglio à la tête d'EDF, Jean-Louis Borloo a rassuré les députés : ''Certaines décisions récemment prises sous l'autorité du Premier ministre, car il y a bien un pilote dans l'avion, visent à redéfinir l'intelligence générale du système. La mission confiée au président d'EDF est bien d'atteindre, et de façon immédiate, un coefficient de disponibilité de 85%, contre 76 ou 77% actuellement - ce qui explique en partie que nous devions importer et ne puissions pas exporter. En affirmant que l'Etat doit reprendre son rôle de stratège'' en matière énergétique, le ministre d'Etat a implicitement reconnu que, depuis 1974, date du choc pétrolier, la politique énergétique de la France relève du soutien aux stratégies des grands groupes - EDF, Areva, Total,- plutôt que d'une politique publique.
Dans ces conditions, la marge de manœuvre de la puissance publique semble étroite. Selon Global Chance, le débat est d'une actualité brûlante : ''la très forte centralisation du système et la tension sur les usages crée une grande vulnérabilité de la société française au risque d'une panne géante sur le réseau, qu'elle ait pour origine des difficultés de fonctionnement du parc nucléaire français comme on l'observe en ce début d'hiver, des aléas naturels, une cause accidentelle ou un acte malveillant. Le redimensionnement du réseau et la maîtrise de la demande d'électricité sont des réponses possibles pour renforcer la résilience du système. Mais les indicateurs restent au rouge. Tous les scénarios français depuis 15 ans, du Conseil d'analyse stratégique à la DGEMP, enregistrent une augmentation constante de la part de l'électricité dans la consommation finale d'énergie. La plupart des scénarios tendanciels anticipent une croissance forte de la consommation d'électricité. Le scénario DGEMP anticipe même une accélération de cette tendance.
Seul le scénario post-Grenelle anticipe une quasi stabilisation de cette consommation en 2020 aux valeurs actuelles. ''Il convient toutefois de considérer avec une grande précaution les projections proposées par le scénario post-Grenelle dans le secteur de l'électricité, nuancent les auteurs de Global Chance. Celui-ci laisse en effet de côté la question du nucléaire, pourtant centrale dès lors qu'on aborde le secteur électrique en France, mais délibérément exclue de toute discussion dans le cadre du Grenelle de l'environnement. L'hypothèse de référence de ce scénario est (…) le maintien à un niveau constant ou légèrement croissant de la capacité de production nucléaire, via le remplacement en tant que de besoin des réacteurs actuels par des réacteurs EPR. L'arithmétique étant têtue, il est difficile de boucler le bilan électrique français à l'équilibre en maintenant la production nucléaire, tout en développant fortement les renouvelables et en maîtrisant la demande''. Le (non) débat sur la transition énergétique française a encore de beaux jours devant lui.