Lundi 7 novembre 2011, le ministère de l'Ecologie a publié le rapport "Trajectoires 2020-2050 vers une économie sobre en carbone (1) " remis cinq jours plus tôt par le comité de réflexion sur la mise en œuvre de la réduction par quatre des émissions de gaz à effet de serre (GES) françaises d'ici 2050 par rapport à 1990, c'est-à-dire le facteur 4.
Présidé par Christian de Perthuis, professeur d'économie à l'université Paris-Dauphine, le Comité Trajectoires 2020-2050 estime que deux conditions doivent être réunies pour atteindre l'objectif fixé : intégrer "beaucoup plus directement que par le passé" la politique climatique à une stratégie de développement industriel et de recherche et "crédibiliser les instruments de l'action publique" en fixant des incitations économiques, "notamment grâce à une généralisation de la tarification du carbone dans l'économie".
Un Grenelle insuffisant
En premier lieu, le Comité explique que compte tenu des émissions de GES françaises et des objectifs européens pour 2050, l'objectif national du Facteur 4 ramènerait notre pays à un niveau d'émission de moins deux tonnes d'équivalent CO2 par habitant et s'inscrit bien dans le cadre des objectifs européens de long terme.
"Cet objectif national ne doit pas être conditionné par l'évolution des négociations climatiques internationales", recommande le rapport rappelant qu'"il n'y avait pas, au moment des travaux du Comité, consensus au sein de l'Union européenne sur la meilleure trajectoire (…) et notamment sur l'opportunité de rehausser l'objectif communautaire de réduction [pour2020]".
Les exemples étrangers "[suggèrent] qu'au-delà des actions déjà mises en place dans le cadre du Grenelle de l'environnement, notre pays devra continuer à innover en matière d'action publique", prévient le Comité. Le constat d'insuffisance du Grenelle est illustré par les politiques de trois Etats favorables au relèvement de l'objectif communautaire d'ici 2020 : l'Allemagne et sa stratégie de soutien des technologies vertes, le Royaume-Uni et sa gouvernance et ses outils financiers innovants ainsi que la Suède et sa taxe carbone.
Retour de la taxe carbone
Le Comité a étudié trois trajectoires permettant d'atteindre le facteur 4. Le passage par des objectifs différents en 2020, soit une réduction des émissions européennes de 20, 25 ou 30%, constitue la seule différence entre ces trois scénarios, même si "la question du rehaussement de l'objectif européen n'a pas fait l'objet de consensus au sein du comité".
Les bénéfices associés au relèvement de l'objectif européen pour 2020 sont un cumul des émissions réduit de 8% d'ici 2050, une meilleure répartition de l'effort dans le temps, une hausse du cours du quotas européens de CO2, "un objectif aujourd'hui largement partagé" souligne le rapport, et la constitution d'avantages compétitifs dans l'économie bas carbone.
"Certains participants au groupe" ont en revanche avancé des arguments défavorables : "la cible 2020 [est] un horizon trop rapproché pour changer les règles du jeu du
Faute de consensus, le Comité souligne que, pour relever l'objectif européen, "l'élargissement de la tarification du CO2 énergétique aux secteurs non couverts par [l'UE-ETS] est une composante essentielle". "Cet élargissement devrait idéalement emprunter la voie européenne, mais retenir la voie nationale si les délais de concrétisation d'une telle démarche au plan communautaire restaient excessifs", préviennent les experts. Les fonds levés via cette taxe carbone et la mise aux enchères des quotas de CO2 devraient s'inscrire dans une vision pluriannuelle répondant à cinq priorités : une baisse des charges, une lutte contre la précarité des ménages, le financement de la R&D, le financement de nouvelles formations et le soutien à la lutte contre les changements climatiques des pays les moins avancés.
Neuf propositions
Les conditions sont déclinées en neuf propositions parmi lesquelles l'allongement de la prévisibilité de la politique climatique par la définition de cibles européennes contraignantes en 2030 et un renforcement de sa crédibilité par la mise en place d'une gouvernance rénovée, l'extension du "signal prix du carbone en l'étendant à l'ensemble de l'économie" , l'amélioration et le prolongement des mécanismes de flexibilité dans un cadre international ou encore l'intégration des objectifs de la politique climatique dans les politiques d'aménagement des espaces urbains et ruraux.
Par ailleurs, le Comité a identifié "cinq conditions d'ensemble [qui] devront être réunies" pour atteindre le facteur 4.
Tout d'abord, il faudra agir sur la demande, "en incitant à l'efficacité énergétique et plus généralement à la baisse des consommations à forte empreinte carbone", et sur l'offre "en encourageant les procédés de production sobres en carbone". Il s'agit là d'une condition "indispensable" pour que les énergies non émettrices de GES répondent à terme à la demande.
Ensuite, tous les secteurs devraient accélérer leurs efforts et le transport, l'agriculture et les bâtiments doivent faire l'objet d'"une attention particulière". "Les secteurs de l'agriculture et de la forêt méritent une analyse spécifique", insiste le rapport soulignant que le puits carbone forestier "pourrait être fortement réduit (…) dans les décennies qui viennent en l'absence d'investissements" et pointant "les pressions à l'artificialisation des sols exercées par l'expansion périurbaine".
Troisième axe : mettre en œuvre "un jeu d'incitations prévisibles à long terme" afin d'inciter au plus vite les investissements de l'ensemble des secteurs économiques.
"Des sources de financement devront être mobilisées", prévient le Comité tout en rappelant l'objectif de rigueur : "[ne pas] déstabiliser les finances publiques dont la consolidation restera une priorité dans les années qui viennent".
Enfin, "pour réunir les conditions d'acceptabilité sociale de ces mutations, la transition vers l'économie sobre en carbone devra rapidement avoir des effets bénéfiques (…) et s'accompagner d'une distribution équitable des efforts", préviennent les rapporteurs.